Vendredi dernier j’étais invité à une assemblée de prière animée par le mouvement chrétien homosexuel David et Jonathan. Ce furent de très beaux chants, la lecture du récit des disciples d’Emmaüs, des extraits des grands textes du Concile Vatican II, l’espérance et la blessure mêlées dans des prières simples et touchantes. Imaginez-vous la fidélité et la foi de ces femmes et de ces hommes qui persistent à vouloir rencontrer Jésus dans une Eglise dont les autorités affirment que leurs actes sont « intrinsèquement désordonnés » et « ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas. » (Catéchisme de l’Eglise Catholique § 2357)
Une équipe de télévision avait demandé l’autorisation de filmer la prière. Un tiers de l’assemblée demanda de rester hors champ. Ils furent donc placés tous du même côté, certains assez angoissés que la caméra manque de prudence. Cela me fit mal.
Leur invitation à cette soirée, la prière commune et la rencontre personnelle qui suivit me firent me demander si moi-même et les autres Chrétiens hétérosexuels faisions de notre mieux pour que les Chrétiens homosexuels soient « accueillis avec respect, compassion et délicatesse. » (CEC § 2358)
Dans ma paroisse ce dimanche un prêtre appela avec force à rejoindre la manifestation de « défense de la famille ». Un homme sortit précipitamment, bouleversé et en colère, puis interpella le prêtre à la sortie, provoquant le débat qui n’a jamais eu lieu dans l’Église, l’épiscopat n’appelant au débat qu’à l’extérieur de l’Église. Cet homme venait aussi se rendre visible pour qu’on lui parle à lui, pour qu’on parle avec lui plutôt que de parler de lui à une assemblée supposément entièrement hétérosexuelle. Invisibles dans nos églises, les femmes et les hommes homosexuels, peuvent-ils sentir le respect qui leur est dû ? Ressentent-ils du respect quand la seule pastorale coordonnée concernant l’homosexualité consiste en une démonstration de force dans la rue contre la revendication d’une minorité ?
Les évêques catholiques, dans leur réflexion la plus étayée contre le projet de « mariage pour tous »(1), ont inscrit en préambule que « Le refus de l’homophobie et l’accueil des personnes homosexuelles, telles qu’elles sont, font partie des conditions nécessaires pour pouvoir sortir des réactions épidermiques et entrer dans un débat serein autour de la demande des personnes homosexuelles. »
« L’accueil des personnes homosexuelles, telles qu’elles sont ». Voilà ce qui manque à ces manifestations pour être potentiellement évangéliques. Combien de participants ont contribué à l’accueil des personnes homosexuelles dans leur paroisse ? Combien ont pris position publiquement contre l’homophobie autrement qu’en introduction à leur réprobation des actes homosexuels ?
Le texte des évêques le reconnait : « les préjugés ont la vie dure et les mentalités ne changent que lentement, y compris dans nos communautés et familles catholiques. Elles sont pourtant appelées à être à la pointe de l’accueil de toute personne, quel que soit son parcours, comme enfant de Dieu ».
Chers amis hétérosexuels catholiques, si vous voulez être autre chose qu’un lobby, si vous voulez témoigner du Christ, ouvrez vos cœurs et vos portes aux personnes homosexuelles, permettez-leur de sortir de l’invisibilité, accueillez-les telles qu’elles sont. Sans paternalisme, comme des frères et sœurs qui ont toute leur place à table. Frères évêques, quelle est la pastorale d’accueil des personnes homosexuelles dans votre diocèse ? Peuvent-elles témoigner sereinement, contribuer aux missions de l’Église sans cacher leur sexualité ? Les associations chrétiennes homosexuelles sont-elles des partenaires ou n’accueille-t-on que des individus pour ne pas être trop dérangés ? Les couples homosexuels sont-ils accompagnés ou abandonnés à eux-mêmes ?
Sortons aussi de cette attitude défensive vis-à-vis de l’homosexualité. Vous aviez dit non au pacs et appeliez plutôt à un aménagement du droit de succession. Aujourd’hui vous dites non au mariage et appelez plutôt à un aménagement du PACS. C’est de la tactique, de la politique peureuse. L’Église de Jésus vaut mieux que cela. Nous devons être à la pointe d’une proposition vraiment évangélique. Les évêques avancent timidement dans cette direction : « Ce n’est pas parce que L’Église accorde un statut particulier à cette relation d’amour entre un homme et une femme, qu’elle n’accorde pas de valeur à d’autres relations d’amour ou d’amitié. » « La diversité des pratiques homosexuelles ne doit pas empêcher de prendre au sérieux les aspirations de celles et ceux qui souhaitent s’engager dans un lien stable ».(1)
Ce qui me réjouirait c’est une manifestation pour le respect et l’accueil des personnes homosexuelles dans nos paroisses, un engagement contre la violence et le mépris rencontrés par les personnes homosexuelles dans notre société, un grand mouvement de fraternité accompagné par les évêques ! Ce serait je crois le préalable à toute position concernant l’ouverture du mariage aux personnes homosexuelles. Accueillons les personnes homosexuelles telles qu’elles sont, c’est-à-dire avec leur sexualité. Ne nous défendons pas contre elles. Ne leur demandons pas de vivre cachées. Accueillons-les vraiment et reconnaissons leur beauté !
Gonzague J.-Duval avec Claude Dubois, Sylvie Froissard, Denyse Boyer, Jean-Pierre Schmitz, Annie Crépin, Alice Gombault, Jean Combe, Bernard Quelquejeu, Raymond Godefroy, Marie Bougnet, Marie-Thérèse van Lunen Chenu, Anthony Favier, François Becker, membres du conseil d’administration de FHEDLES.
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[1] Elargir le mariage aux personnes de même sexe ? Ouvrons le débat !
Note du Conseil Famille et Société, septembre 2012.