Recension par Marie-Thérèse Van Lunen Chenu- Ouvrage déposé dans le fonds Genre en Christianisme à la bibliothèque du Saulchoir à Paris
Ce sont des précurseuses, ces femmes d’âges, cultures, nationalités, croyances et religions différentes, qui travaillent ensemble depuis 20 ans, en tant que « féministes et laïques » dans une commission qu’elles ont créée pour lutter contre les extrémismes religieux. Leur réseau d’informations, analyses et engagements est large puisqu’elles sont membres d’une des 80 associations diverses que regroupe, pour la seule France, le Lobby Européen des femmes.
On les louera d’avoir compris ce que d’autres découvrent aujourd’hui : il y a profonde interdépendance entre société civile et religions ou croyances ; il y a collusion entre le sexisme, le refus de la parité et un attachement intégriste ou fondamentaliste à des règlements, des dogmes, des normes désormais caduques et condamnés. Et lorsqu’il s’agit de coutumes, croyances, traditions, préjugés qui touchent à la hiérarchie entre les sexes –c’est-à-dire à la sujétion ou relégation des femmes – l’ancrage reste profond, souterrain, irraisonné autant que déraisonnable, porteur d’une charge non seulement mythique mais souvent religieuse et quasi sacrale…..
Le livret anniversaire des 20 ans de la Commission de la CLEF, présenté au cours d’un colloque très suivi, est un excellent outil de travail. Précis, il offre d’abord, en rappel historique, un bref énoncé des événements internationaux concernant le thème engagé, puis le déroulé des actions conduites par la Commission de lutte contre les extrémismes religieux et enfin les résultats obtenus, si souvent bien en deçà des objectifs visés…
Les textes présentés ensuite témoignent de la participation constante aux travaux des Nations Unies : Conférences Mondiales des Femmes, résolutions et leur suivi par la Commission du Statut des femmes, évaluation régulière des mises en application de la Convention de lutte contre les discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) etc (*) D’autres interventions, lettres, communiqués, séances de travail, répondent à l’actualité internationale. On saluera tout particulièrement l’entreprise et l’engagement collectif de ces participantes – athées bouddhistes, chrétiennes, musulmanes, juives – qui ne craignent pas d’afficher en même temps leurs critiques à l’égard des institutions religieuses et leur adhésion personnelle de foi. Réunies à Genève, lors de la Conférence régionale des Nations Unies pour préparer la Conférence de l’ONU, Pékin + 5, elles ont fait adopter leur conclusion dans le texte final « Les ONG considèrent que l’augmentation des extrémismes religieux fait peser une menace sur l’exercice par les femmes de la pleine égalité de tous leurs droits humains. Nous réaffirmons que certaines pratiques, modèles et contraintes religieuses limitent la reconnaissance de la pleine capacité des femmes, de leurs droits et de la réalisation effective de la parité hommes/femmes. »
La dernière partie du livret éclaire plus spécialement le débat public en France sur la laïcité et l’apport de la Commission aux auditions de la Commission Stasi.
Henri Pena-Ruiz est cité pour conclure : « Cessons de confondre le fait de respecter toutes les cultures avec celui de tout respecter dans les cultures ».
M-T van Lunen Chenu
(*) un glossaire utile en fin d’ouvrage