Déclaration des droits et libertés dans l’Eglise catholique

Élaborée par le Réseau Européen pour une Église de liberté lors d’une conférence européenne en janvier 1994

Préambule

« C’est à la liberté que vous avez été appelés« , écrit saint Paul aux Galates (5,13). Dieu nous a créés à son image, donc libres. Dieu est amour. L’amour ne peut exister sans la liberté. Ce n’est que dans la liberté que l’on peut se donner aux autres. Et Dieu nous a donné cette capacité.

Jésus a chargé ses disciples de proclamer l’Evangile et cette mission incombe au peuple de Dieu tout entier. Les disciples de Jésus ont ensemble la responsabilité d’ouvrir la voie du Royaume de Dieu et Jésus leur a promis qu’ils recevraient l’Esprit, qui les fera accéder à la vérité tout entière.

Jésus n’a pas fondé une communauté où les prêtres aient un statut privilégié et où les hommes commandent aux femmes.

Une cause majeure de la propagation rapide du christianisme dans l’Empire romain fut le message de liberté qu’apportait l’Evangile: liberté à l’égard de la domination politique, du pouvoir des groupes sociaux et des structures familiales, de celui de l’argent et des servitudes de la coutume.

Aussi la liberté doit-elle se manifester en premier lieu dans la religion et dans l’Eglise. Elle fonde la solidarité de frères et de soeurs qui unit les chrétiens et les chrétiennes, leurs droits dans leur Eglise et dans leurs rapports avec l’autorité ecclésiale. Elle fonde leur responsabilité commmune quant au bien de l’Eglise.

L’Eglise de Vatican II l’a compris: le meilleur témoignage qu’elle puisse et doive rendre au Christ est d’annoncer aux nations la bonne nouvelle de la liberté. C’est ainsi qu’avec les autres Eglises chrétiennes, elle s’est faite le héraut des droits de la personne humaine et que beaucoup d’individus, de groupes et même des nations entières se tournent de nouveau vers elle pleins d’espérance.

Mais que vaudrait son témoignage si elle ne vivait pas elle-même cette liberté? C’est pourquoi nous appelons les chrétiennnes et chrétiens de toutes confessions à réaliser les exigences du Concile.

Il va de soi que nous ne pouvons lutter efficacement pour la liberté de croyance dans nos sociétés politiques si, dans nos Eglises, la liberté d’opinion n’est pas respectée. Nous ne  pouvons lutter pour l’émancipation de la femme dans la vie publique, si, dans nos Eglises, elle ne jouit pas des mêmes droits que l’homme.

Il ne s’agit pas seulement de l’image de l’Eglise; il y va de la crédibilité du christianisme et de la véracité de l’être chrétien. La foi ne peut croître que dans la liberté, car elle est une réponse libre à l’appel gratuit de Dieu. Elle croît dans la mesure même où les disciples de Jésus se sentent responsables de ce qu’ils disent et de ce qu’ils font. Elle dépérit s’ils se déchargent sur d’autres du soin de faire la vérité qu’ils proclament.

La présente Déclaration s’appuie notamment sur la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le 10 décembre 1948 par les Nations-unies et qui s’inscrit dans un mouvement mondial de développement de la démocratie.

Elle a été élaborée à partir des travaux antérieurs de groupes chrétiens:

. en 1975, en France, le groupe Droits et libertés dans les Eglises publiait un Manifeste de la liberté chrétienne.

. en 1983, aux USA, l’Association for the rights of catholics in the Church publiait une Charte des droits des catholiques dans l’Eglise et invitait les catholiques de tous les pays à travailler ensemble à une déclaration universelle.

Les deux Déclarations concordent sur tous les points essentiels, chacune comportant quelques dispositions qui répondent aux conditions propres du pays d’origine.

La présente Déclaration est ouverte aux modifications et compléments qu’appellerait l’évolution de l’Eglise ou de la société.

Nous appelons les chrétiennes et les chrétiens de toutes confessions à vivre dans la liberté du Christ et à être ensemble son Eglise.

Droits et libertés dans l’Eglise catholique

Considérant que le deuxième concile du Vatican, dans sa Constitution L’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et spes), reconnaît à toute personne les droits qui découlent de sa création à l’image de Dieu,

considérant que le Concile, dans sa Déclaration La liberté religieuse (Dignitatis humanae) déclare: « C’est par sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les injonctions de la loi divine; c’est elle qu’il doit suivre fidèlement en tout ce qu’il fait, pour parvenir à sa fin qui est Dieu. Il ne doit donc pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas non plus être empêché d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse » (I,3),

considérant que les croyants et les croyantes qui s’engagent consciemment à suivre le Christ et s’enracinent dans l’Eglise par le baptême, reçoivent les droits et libertés nécessaires pour marcher ensemble sur la voie du Christ,

considérant que l’acte de foi est, par sa nature même, un acte libre et que, en conséquence, celles et ceux qui exercent une charge dans l’Eglise ont le devoir de faire naître et de développer la liberté spirituelle,

considérant que les droits et libertés ne peuvent exister sans responsabilité et qu’il n’y a pas de responsabilité sans liberté,

considérant que, de par le baptême, chrétiens et chrétiennes sont tous égaux en dignité, quels que soient leur état de vie et les charges ou responsabilités qui leur sont confiées,

considérant que l’Eglise ne saurait être en retrait par rapport à la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations-Unies, objet d’une reconnaissance universelle,

considérant que les droits de la personne humaine et les droits spécifiques des chrétiens et chrétiennes doivent être considérés comme un tout dans la constitution de l’Eglise,

considérant que les chrétiens et les chrétiennes ont le droit, et même dans certaines circonstances, le devoir, de faire connaître à ceux et celles qui exercent des charges dans l’Eglise, ainsi qu’aux autres chrétiennes et chrétiens, ce qui, à leur avis, est utile au bien de l’Eglise,

considérant que l’Eglise a pour mission de témoigner du message libérateur du Christ et que, faute de réformer ce qui, dans ses structures et dans ses pratiques, engendre injustice, discrimination ou oppression, elle perd sa crédibilité,

les chrétiennes et les chrétiens sont appelés à agir pour que soient reconnus et garantis dans leurs Eglises les droits et libertés fondamentales suivantes:

I. Egalité en dignité et en droits

Article 1

1. Les chrétiennes et les chrétiens sont égaux en dignité et en droits dans l’Eglise. Ils ont le droit d’être reconnnus comme personnes juridiques. Il ne peut être institué de différences qu’aux fins de l’exercice de certaines fonctions concourant au bien commun.

2. Constituent une atteinte à l’égalité de dignité et de droits les règles et pratiques fondées sur l’idée d’une infériorité de l’un des sexes ou d’un statut particulier.

3. L’égale dignité de tous les chrétiens et chrétiennes interdit l’usage d’un langage sexiste dans les documents de l’Eglise. De même l’Eglise ne doit pas utiliser exclusivement des représentations masculines de Dieu et des symboles masculins, le génie de chaque langue devant toutefois être respecté.

II. Droits et libertés personnelles

Article 2

La pensée et la conscience sont libres. Cela implique:

a) la liberté d’exprimer sa conviction tant en public qu’en privé, individuellement ou collectivement,

b) la liberté de professer sa foi, enracinée dans la tradition vivante de l’Eglise et de la vivre selon sa culture, ce qui a des implications particulières dans la liturgie.

c) le droit de mener des recherches théologiques, d’en publier les résultats et de les soumettre à l’épreuve de la discussion avec d’autres.

Article 3

Les chrétiennes et les chrétiens ont droit à la liberté d’opinion, ce qui inclut:

a) le droit d’exprimer leur opinion, voire leur désaccord avec les politiques et décisions de l’autorité ecclésiastique.

b) le droit d’obtenir et de diffuser idées et informations.

c) le droit de ne pas être l’objet de discriminations en raison de leurs opinions.

Article 4

Les chrétiens et les chrétiennes sont libres de leurs choix et de leurs engagements politiques.

Article 5

Les chrétiennes et les chrétiens ont le droit de jouir librement des fruits de la culture et en particulier de l’art. Ils ont le droit de développer leurs talents artistiques sous leur responsabilité, sans encourir de censure.

Article 6

Les chrétiens et les chrétiennes ont le devoir d’obéir à leur conscience. Cela vaut en particulier en ce qui concerne:

a) le choix d’un état de vie,

b) la détermination du nombre de leurs enfants et le choix des méthodes de régulation de la conception,

c) la décision de mettre fin à une union irrémédiablement brisée et celle de s’engager dans une nouvelle union.

Article 7

Les chrétiennes et les chrétiens ont droit à une éducation qui:

a) forme à l’exercice de la liberté, du discernement, de la responsabilité et favorise la maturation d’une personnalité enracinée dans la foi,

b) prépare à l’accueil et à l’intelligence de la parole évangélique, ainsi qu’à la pleine participation à la vie de l’Eglise,

c) développe le respect des droits et des libertés fondamentales,

d) favorise la compréhension et la tolérance entre les nations, les groupes sociaux, les races et les religions.

Article 8

Les chrétiens et les chrétiennes ont le droit de participer à l’élaboration des principes éthiques et moraux, avec l’autorité que leur confèrent leur compétence, leur expérience et leur sens de la foi.

Article 9

1. Les chrétiennes et les chrétiens ont le droit de participer pleinement à la vie sacramentelle de l’Eglise, après une préparation appropriée, sans considération de sexe, d’orientation sexuelle, d’état de vie ou de statut social.

2. Les chrétiennes et les chrétiens qui ont divorcé et se sont engagés dans une nouvelle union conservent ce droit.

III. Droits et libertés communautaires

Article 10

Les chrétiennes et les chrétiens ont le droit d’être membres d’une communauté telle qu’ils puissent vivre en communion avec le Christ et croître dans la foi. Ils ont le droit de former, en lien avec les paroisses locales, là où ils vivent, les communautés dont ils ont besoin.

Article 11

La communauté chrétienne tout entière a droit à ce que ses vues soient prises en considération dans le développement de interprétations de la révélation et dans le développement des la tradition.

Article 12

1. La participation à la vie de l’Eglise inclut le droit d’association et de réunion. Les chrétiennes et les chrétiens ont le droit d’organiser leur vie collective d’une manière correspondant à leur compréhension des exigences de l’Evangile.

2. Les associations ont le droit de déterminer leurs propres statuts. Elles peuvent se constituer selon le droit canonique ou selon le droit civil.

Article 13

Les chrétiens et les chrétiennes ont le droit de co-décision et de co-responsabilité dans toutes les affaires de l’Eglise, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants élus au moyen de scrutins périodiques et secrets.

Article 14

1. Toute communauté chrétienne a droit aux ministères et services nécessaires à sa vie communautaire et à l’accomplissement de sa mission. Cela vaut en particulier pour la célébration de l’Eucharistie.

2. Au titre de sa participation au sacerdoce du Christ, toute chrétienne et tout chrétien, sans considération de sexe, d’orientation sexuelle, de nationalité ou de culture, ont le droit d’être désignés pour les fonctions et ministères et comme candidats à l’élection pour toutes les assemblées, selon des critères clairement définis et rendus publics.

Ce droit implique celui de recevoir la formation requise pour exercer ces activités.

Article 15

1. Les personnes employées par l’Eglise ont droit à des conditions équitables de travail et à un salaire leur assurant ainsi qu’à leur famille une existence digne selon les normes et usages de la société où elles vivent.

2. Elles bénéficient des garanties prévues par la législation du travail du pays où elles exercent leur activité et au moins de celles définies par les conventions internationales.

3. Elles ont le droit d’adhérer à des syndicats pour la défense de leurs intérêts ou d’en fonder.

IV. Garanties juridiques et institutionnelles

Article 16

Toutes les chrétiennes et tous les chrétiens peuvent se prévaloir des droits et libertés énoncées dans la présente Déclaration.

Article 17

Nul chrétien et nulle chrétienne ne seront l’objet de la part des autorités ecclésiastiques d’immixtions arbitraires dans leur vie privée ou d’atteintes à leur réputation.

Article 18

Les chrétiennes et les chrétiens ont droit à ce que l’Eglise, et particulièrement ceux et celles qui y exercent des charges, les soutiennent dans l’exercice de leur liberté spirituelle. Ce droit inclut l’encouragement au libre débat requis pour que leur conscience s’affermisse, leur foi grandisse et la vie communautaire s’épanouisse.

Article 19

Les institutions de l’Eglise garantissent les droits et libertés énoncées par la présente Déclaration, ce qui implique:

a) que soient attachés aux divers types de règles du droit canonique des degrés différents de force juridique et que des instances ecclésiastiques indépendantes soient habilitées à se prononcer sur la conformité des règlements particuliers aux principes généraux,

b) que les droits et libertés soient définies par des textes canoniques du plus haut niveau et fassent l’objet de garanties spéciales,

c) que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire soient clairement séparés et que leurs compétences soient clairement définies,

d) que soient instituées des procédures démocratiques de décision,

e) que soit appliqué le principe de subsidiarité, en vertu duquel ne doit être décidé, au niveau de l’Eglise universelle que ce qui ne peut l’être au niveau interdiocésain ou diocésain et, au niveau diocésain que ce qui ne peut l’être au niveau local.

Article 20

1. Les chrétiens et les chrétiennes ont droit à ce que leur  cause soit jugée publiquement selon des procédures légales de droit commun par un tribunal d’Eglise régulièrement constitué, indépendant et impartial qui, sans délais indus, statuera, dans les matières concernant leurs droits et obligations et appréciera le bien fondé de toute accusation.

2. Les chrétiennes et les chrétiens ont le droit de faire appel devant un tribunal d’Eglise indépendant et impartial d’une décision de justice de première instance.

3. Les chrétiens et les chrétiennes ont le droit de former un recours devant un tribunal d’Eglise indépendant et impartial contre les actes d’une autorité ecclésiastique.

Article 21

Les droits et libertés énoncées dans la présente Déclaration ne peuvent faire l’objet de restrictions qu’en vertu de mesures requises pour la sauvegarde des droits d’autrui.

V. Dispositions finales

Article 22

1. La présente déclaration fera l’objet d’un réexamen tous les trois ans ou à la demande d’une organisation membre du Réseau européen pour une Eglise de liberté.

2.  Chacune des organisations membres peut compléter la présente Déclaration en fonction des conditions propres à son pays, pour autant que ces compléments n’aillent à l’encontre d’aucune disposition de la Déclaration.

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Réseau européen Pour une Église de liberté

(Conférence européenne pour les droits et libertés dans les Églises)

Janvier 1994

La Déclaration est publiée, en version française, par Droits et libertés dans les Églises, 68 rue de Babylone, F-75007 Paris.

Organisations soutenant la Déclaration en janvier 1994

.Initiative Kirche von unten

.Initiative Christenrechte in der Kirche – Allemagne

.Sammelbewegung offene Kirche – Autriche

.Netwerk kristelijke basisgroepen

.Communautés de base de Belgique francophone

Belgique

.Droits et libertés dans les Églises

France

.Catholics for a changing Church

Grande Bretagne

.Communauté Bokor – Hongrie

.Comunità di base italiane

.Movimento Vocatio – Italie

.8 mei beweging – Pays-Bas

.Aufbruch Bewegung – Suisse

.Communautés Emmaüs –Tchéquie

Auteurs·trices : DLE

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