Recension de Jean-Pierre Schmitz
Agé aujourd’hui de 24 ans, Samuel Laurent Xu est chercheur en histoire et réalisateur du documentaire Au nom de tous mes frères (2019). Il a passé une année au Chili, où il a étudié l’histoire contemporaine latino-américaine, et a découvert les carnets de Nadine Loubet (sœur Odile), religieuse dominicaine française qui a passé de longues années au Chili au temps de la dictature civilo-militaire de Pinochet.
A notre dernière Assemblée Générale de la fédération Parvis, tenue à Saint-Jacut en novembre 2023, nous avons eu la joie de voir Samuel Laurent venu nous parler de ce qu’il a vécu au Chili et nous présenter son livre. Il nous en a dédicacé un exemplaire destiné à Genre en Christianisme.
Ce livre est en fait, à partir notamment de ses écrits qui ont pu être préservés, un témoignage et une enquête sur les actions menées le plus souvent dans la clandestinité et des conditions très difficiles, par sœur Odile et les femmes engagées à ses côtés dans leur lutte contre les persécutions, les tortures, les disparitions de personnes perpétrées par le régime politique ultra-autoritaire alors au pouvoir.
Le livre donne des détails sur le comportement des clercs et de la hiérarchie ecclésiastique pendant toute la période de la dictature. Un nombre important de prêtres qui avait manifesté furent soit arrêtés, parfois torturés et assassinés, soit expulsés du pays.
En raison de la vision patriarcale de l’institution ecclésiastique, à part quelques cas relatés dans le livre, les religieuses ont été certes moins touchées par les actes répressifs et les expulsions, mais restaient sous une surveillance constante des autorités.
La description des comportements de la hiérarchie ecclésiastique pendant cette période est sévère, à commencer par le pape Jean-Paul II venu au Chili en 1987. Le livre rappelle l’accueil chaleureux organisé par Pinochet et les plus hautes autorités d’Eglise, mais aussi la rencontre du pape avec les plus pauvres. A ceux-ci qui espéraient des paroles fortes en faveur de la justice, il n’a répondu que par des paroles creuses et des invitations à la prière, suscitant ainsi une immense déception.
Les évêques chiliens ne furent guère un soutien pour Odile et les autres femmes à ses côtés. Certains ont même clairement affiché leur soutien au régime de Pinochet, considéré comme le meilleur rempart contre le marxisme. Beaucoup d’autres n’ont pratiquement rien manifesté.
Ce livre est un hommage émouvant au courage de ces « sœurs de l’ombre ».
Jean-Pierre Schmitz