Réflexion de Claude Bernard en écho au dossier du Pèlerin du 29 juin 2006
Dans son numéro du 29 juin 2006, le Pèlerin a consacré un dossier substantiel à l’ordination d’hommes mariés. Y sont questionnés des hommes et des femmes de terrain, qui soulignent le pour et le contre.
Oui à cette évolution
En affichant comme premier souci la vie des communautés locales, les évêques Joseph Doré (Strasbourg) et Roland Minnerath (Dijon) mettent l’accent sur les priorités à respecter, tout le reste n’étant que du relatif. Le célibat sacerdotal, si valable qu’il soit, n’est « qu’une question de discipline », et il ne doit pas demeurer la réalité à sauvegarder à tout prix, « au risque de priver de prêtres des communautés qui seraient ainsi condamnées à disparaître » (page 28, col.2).
En juin 2002, l’archevêque de Strasbourg estimait « qu’il ne serait pas responsable de censurer systématiquement ce genre de questions et de se contenter de s’en remettre aux mains de la Providence. »
Une solution proposée par l’archevêque de Dijon paraît pertinente et réaliste, du moins dans un premier temps: ouvrir l’ordination à des hommes mariés ayant élevé leurs enfants, et autonomes financièrement. C’est ce qui se fait dans certains diocèses anglicans, par exemple celui de Guildford en Angleterre, diocèse jumelé avec celui d’Evry en Ile-de-France. Dans ce diocèse anglais, avec ses jeunes retraités ordonnés – et ses 65 femmes prêtres- pas de problème de vocations.
C’est une question que semble se poser aussi un curé de l’Aisne, chargé, avec un jeune prêtre polonais, d’une paroisse regroupant 71 clochers. Il ne suffit pas de passer de 816 paroisses anciennes à 43 nouvelles pour que la tâche des prêtres soit à mesure humaine, même avec l’appui de nombreux laïcs ! Et déjà il manque un tiers des prêtres nécessaires pour desservir ces 43 postes majeurs… Il va donc falloir encore regrouper davantage, ou enfin oser imaginer autre chose !
Parmi les personnes interviewées, quelques laïcs, entre autres la maman d’une adolescente (page 28, col.4), qui « imaginerait mal son conjoint ordonné prêtre ». Dans de nombreuses paroisses et des mouvements d’Eglise comme Parvis ou le Forum des communautés chrétiennes, il ne manque pas de femmes attentives à tout le positif d’un conjoint qui serait appelé à des responsabilités pastorales de type presbytéral, et plus encore des hommes qui seraient heureux de l’ordination de leur conjointe…
Il faudrait certainement donner davantage la parole aux premiers concernés par l’évolution de l’Eglise, celles et ceux qui sont régulièrement privés de célébration eucharistique dominicale en raison d’une vision monolythique du presbytérat imposée depuis des siècles. Ils l’ont dit fermement dans les synodes diocésains. Le Pèlerin n’a pas manqué d’y faire écho dans son numéro mémorable du 3 novembre 2005 :
« Il y a quelque sadisme à rappeler aux catholiques que l’eucharistie dominicale doit être au cœur de toute vie croyante et, dans le même temps, par refus d’introduire des dispositions qui la rendraient accessible à un plus grand nombre, les inviter à une « communion spirituelle » de substitution.. En bonne théologie, le sensus fidelium, cet instinct du peuple croyant appliqué à une réalité donnée, constitue bien une autorité morale dont le magistère doit tenir compte.
Est-ce un hasard si, depuis plus de vingt ans, le souhait de voir des hommes mariés accéder au sacerdoce figure parmi les conclusions de la plupart des synodes diocésains ? N’y aurait-il pas là un signe tangible de la foi du peuple chrétien confronté à sa propre survie ? Et si la vox populi est recevable lorsqu’elle réclame la béatification du pape Jean-Paul II, pourquoi ne le serait-elle pas lorsqu’il s’agit de l’accès à la prêtrise ? »
Oppositions et réticences
Comment ne pas demeurer perplexe devant les réticences éprouvées par des hommes mariés ordonnés sur le tard ou venus au catholicisme dans une situation de pasteurs protestants. Bénéficiant eux-mêmes, ou ayant bénéficié, d’une vie matrimoniale épanouie, sont-ils les mieux placés pour dire aux prêtres : c’est le célibat qu’il vous faut ? Célibataire par conviction, St Paul n’imposait pas son point de vue aux autres.
L’argument invoqué est toujours du même ordre : idéaliser la vie presbytérale, mettre l’accent sur le « tout quitter pour suivre le Christ » (démarche hautement valable, mais d’abord de type monastique) sans tenir compte du contexte où le prêtre exerce sa mission: « Ne pas confondre la vie de prêtre avec l’exercice d’un métier ordinaire ; il s’agit avant tout d’une réponse totale à un appel de Dieu » (p.29, col.2). Quel mépris pour celles et ceux qui exercent un métier ! Comme si l’engagement pastoral généreux d’un/e ordonné/e marié/e, avec les contraintes que cela impose, ne pouvait être une réponse adéquate à un appel de Dieu! Combien de pasteur/es marié/es n’ont rien à envier à des célibataires catholiques ordonnés.
Parler de « réponse totale » seulement en cas de célibat, c’est aller contre un texte important du concile Vatican II, qui dit ceci : « Le concile exhorte les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres à persévérer dans leur sainte vocation et dans le DON TOTAL et généreux de leur vie au troupeau qui leur a été confié » (décret sur la vie et le ministère des prêtres, presbyterorum ordinis n.16)
L’opposition vient aussi de jeunes prêtres ou futurs prêtres, tel ce séminariste français à Rome, qui lie la crise des vocations à une crise de la foi –refrain bien connu !- et qui affirme péremptoirement que « l’ordination d’hommes mariés est une mauvaise réponse à une bonne question » (p.29, col.4)
On invoque aussi le fait que « l’ordination d’hommes mariés ne pourra jamais qu’apporter une solution complémentaire » (p.30,col.3). Est-ce une raison suffisante pour l’écarter ? Dans les pays touchés par la famine, on n’imagine pas le refus d’un complément alimentaire, même si ce dernier ne suffit pas à garantir un repas par jour !
On entend dire aussi : « Les gens se déplacent bien à dix km pour faire leurs courses ; pourquoi pas pour la messe dominicale ? » De fait, certains le peuvent, ils sont jeunes, ils ont une voiture… Mais qu’en est-il des personnes âgées ou moins valides dans les villages isolés ou les maisons de retraite ? J’ai lu jadis dans la revue « Signes » une réflexion d’Albert Rouet disant en substance : on ne va pas à la messe comme on va au supermarché… la messe n’est pas un article de plus dans la société de consommation. Il est important que l’église de son village soit ouverte et qu’on y retrouve pour la prière liturgique (eucharistique si possible) celles et ceux que l’on côtoie dans la vie quotidienne.
Les personnes qui invoquent de bonnes raisons pour ne rien changer au système actuel et qui ont le pouvoir de décision sont généralement les privilégiés qui auront toujours une messe à portée de la main : les prêtres et certains laïcs à leur contact… Se mettent-ils vraiment dans la peau des baptisés qui vivent le manque de célébrations eucharistiques sans pouvoir se faire entendre ? Au nom de quoi peuvent-ils dire aux délaissés : pour vous la fréquence dominicale de l’eucharistie n’a pas grande importance. Contentez-vous d’une ADAP ou de la messe télé, ou encore de la communion spirituelle ! » ? Quel argument mystique ou pastoral pourraient-ils invoquer, qui pèserait plus lourd que Mt XXV : « J’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ! » ? Et comment alors oser commenter sans se remettre en cause « le sabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » ?
L’évêque de Poitiers, Albert Rouet
Les propos tenus par Albert Rouet dans Le Pèlerin apportent un autre questionnement et provoquent l’envie d’aller plus loin. Beaucoup de chrétiens engagés saluent la nouveauté de l’expérience menée dans son diocèse, et dont témoigne le livre « un nouveau visage d’Eglise ». Les communautés chrétiennes y sont présentées comme formées, non pas autour du prêtre, mais à partir d’un noyau de cinq fidèles qui incarnent les trois grandes dimensions de la vie chrétienne menée en Eglise (accueil et étude de la Parole de Dieu, prière liturgique et personnelle, solidarité) et son organisation minimale (animation de la communauté et prise en charge de ses aspects matériels).
Pour lui, « Le prêtre n’est pas un patron ni un gourou, mais celui qui fait la jonction entre les communautés, les mouvements, les personnes et le Christ… Il empêche la communauté de se replier sur elle-même en l’ouvrant sur le monde, dans un esprit de mission… et il est indispensable pour vivre les sacrements, notamment l’eucharistie ». (Rouet, p. 29, col. 1 et 2).
Ce rôle de prêtre itinérant, lien entre les personnes et les groupes, dispensateur des sacrements, est-il vraiment incompatible avec une situation d’homme marié, même si théoriquement le célibat rend plus libre ? On peut en douter en voyant bien des pasteurs en d’autres confessions chrétiennes, et aussi chez les catholiques de rite oriental. Déjà dans le domaine civil, combien de personnes doivent concilier vie familiale et vie professionnelle aux horaires décalés et avec des engagements dont on dit volontiers : c’est un véritable sacerdoce !
Il serait signifiant de voir aussi à ces postes clés des prêtres mariés, relativement jeunes, tout comme on voit actuellement des célibataires par choix ou par obligation. Cela éviterait l’inconvénient de reléguer tous les prêtres mariés dans la zone du troisième âge, après l’entrée dans la retraite professionnelle.
Pourtant A. Rouet déclare : « Ce genre de solution (l’ordination d’hommes mariés), trompeusement moderne, nous ferait immédiatement revenir cinquante ans en arrière en nous dispensant de faire évoluer le rôle du prêtre. On continuerait à raisonner en termes de pouvoir au lieu de passer à une relation de confiance » (p.29, col.3).
Une telle affirmation n’est-elle pas en contradiction avec la priorité accordée à la communauté locale ? Les craintes de l’évêque de Poitiers s’atténueraient peut-être si l’on dissociait, dans la mission du prêtre telle qu’il la conçoit, les deux aspects principaux : le rôle de lien entre les nombreuses communautés (situation relativement nouvelle), et celui de dispensateur obligé des sacrements (qui existe depuis toujours et qui pèse de plus en plus lourd).
Pourquoi le don des sacrements ne pourrait-il pas être confié aussi, totalement ou en partie, sur le plan local, à tel ou telle laïque mûr et généreux, qui recevrait « l’ordination » appropriée, ou l’habilitation nécessaire, en vue d’un service sacramentel et pastoral, pour un temps donné ?
Pourquoi ces personnes ainsi « habilitées » devraient-elles être systématiquement soupçonnées de briguer un pouvoir, contrairement à des prêtres célibataires itinérants qui, eux, seraient idéalement détachés de tout ? On frise la caricature !
Pourquoi la revitalisation des communautés locales par ce moyen devrait-elle être qualifiée de retour au bon vieux temps d’une paroisse de « chrétiens consommateurs » regroupés autour de leur curé ? Bien sûr, les fidèles ne sont pas parfaits, pas plus que les prêtres, mais faut-il leur faire un procès d’intention ? Gérard Defois, évêque de Lille, écrit dans la Documentation catholique du 2/7/2006 : « Les viri probati (hommes mariés ordonnés), dans les villages ou les quartiers où ils habitent, assureraient des messes quand il n’y a plus de prêtre résident… En amont de cette question, n’y a-t-il pas celle d’un rapport à l’Eucharistie qui relève de la « consommation », notre souci de répondre à toute demande pour satisfaire le « demandeur-client » ? (DC N° 2361, p.631, col.1)
Dans l’Eglise aujourd’hui, les pratiquants sociologiques sans engagement personnel se raréfient; seuls les motivés demeurent, et l’on aimerait qu’ils soient plus nombreux. Il n’est pas question de refaire la paroisse de grand papa, mais de donner le maximum d’autonomie, de co-responsabilité et de subsidiarité à des regroupements locaux, même numériquement faibles, car c’est là le lieu de vie de ces baptisés, et c’est leur premier lieu de mission.
D’ailleurs Albert Rouet, en une autre occasion, a souligné lui-même cet appel à l’autonomie et la valeur de chrétiens adultes qui se prennent en charge. On aimerait qu’il pousse jusqu’au bout l’audace en incluant l’autonomie sacramentelle par des moyens adaptés localement. Sans cela, les laïcs engagés seront toujours perçus comme des mineurs en état de dépendance.
« Est-ce que nous, évêque, prêtres et diacres, comme ministres ordonnés, nous avons charge de faire des mineurs ou est-ce que nous avons charge, comme fierté de l’Eglise (Ph 1,11), de faire des adultes dans la foi ? Un homme ou une femme peut être représentant de la nation par élection, chef d’entreprise, président d’association et il n’y aurait que dans l’Eglise que cet homme ou cette femme continuerait à être tenu pour un mineur ? Est-ce cela que le Christ a voulu ? Non !…
Il faut, aujourd’hui dans ce monde, que l’Eglise s’organise de manière à montrer le respect qu’elle porte à ses membres. On ne peut pas simplement se battre pour les Droits de l’Homme à 15000 km et continuer à traiter des laïcs, baptisés, comme les sous-fifres d’un sacristain.
Il nous faut un peu de logique : le témoignage que nous avons à donner, dans ce monde, exige précisément de montrer que, dans l’Eglise, tout homme et toute femme est tenu tellement en estime qu’ils peuvent, de plein droit, remplir dans la communauté chrétienne les fonctions qui leur reviennent de par leur baptême et leur confirmation. Cela dans un cadre fixé, reconnu. »
(Extraits de l’homélie prononcée le 23 janvier 2005, lors de l’installation de la Communauté locale de la cathédrale St-Pierre à Poitiers.)
Un retour aux premiers siècles de l’Église
Dans Le Pèlerin (p. 28, col 1), le contenu du ministère presbytéral ainsi revu et corrigé est présenté comme un retour « aux premiers siècles de l’Église » : « les laïcs prennent en charge toute l’intendance, des finances à l’animation liturgique, afin de permettre aux prêtres de se recentrer sur le cœur de leur ministère : assurer le lien entre les communautés chrétiennes et leur apporter la parole de Dieu ». Allusion évidente à ce qui est dit dans les Actes des Apôtres au chapitre 6, lors de la création des « sept » ou des diacres, à une époque qui représente, non pas les premiers siècles, mais les premières années de l’Eglise, dans un lieu précis et restreint, Jérusalem et ses environs (Act 6,7).
Pour une Eglise dispersée dans toute l’Asie Mineure, la véritable organisation viendra de Paul qui écrit à son disciple Tite : « Si je t’ai laissé en Crète, c’est pour y achever l’ORGANISATION et pour établir dans chaque ville des presbytres » (Tite, 1,5).
Pour le père Hervé Legrand (ecclésiologue éminent), cela ne signifie pas que Tite fasse tout seul ces choix et ces appels. Il y a « action active du peuple chrétien et de ceux qui sont déjà dans le ministère, pour choisir les personnes aptes au ministère, même si elles ne s’y sentent pas appelées, alors qu’elles ont la compétence voulue» (mail à CB).
On est donc alors en présence de deux types de « prêtres » ou responsables de communautés : d’une part les missionnaires itinérants comme Paul (un célibataire par choix) ou les autres apôtres (certains mariés, comme Pierre), qui annoncent l’Évangile et font le lien entre les communautés, et les « presbytres », responsables locaux, gens mariés et exerçant un métier, qui sont les véritables animateurs du groupe de chrétiens en tel lieu précis.
Ces presbytres assurent non seulement « l’intendance » à la manière du diocèse de Poitiers ou des secteurs pastoraux de type « regroupement de paroisses », mais ils président également l’eucharistie dominicale. Il n’y avait alors aucun problème de « vocations »
On ne se demandait pas non plus si la réponse à l’appel de Dieu émanant d’un apôtre ou de la communauté était de l’ordre d’un « métier » ou d’un engagement à vie. Les qualités attendues de ces baptisés devenus presbytres ou épiscopes sont suffisamment détaillées dans l’épitre à Tite, 1, 5-9 « Chaque candidat doit être irréprochable, l’homme d’une seule femme, ni arrogant, ni buveur, ni avide de gains, etc… »
Actuellement, le modèle unique du clergé dans l’Église romaine et la volonté affirmée de Rome contraignent les évêques à penser le rôle des prêtres en fonction de leur statut de célibataires masculins engagés à vie, et aussi en fonction de leur nombre de plus en plus réduit.
Même ramené à l’essentiel, le cahier des charges n’est pas mince : beaucoup de gens à voir sur des secteurs pastoraux de 30 ou 70 clochers ! Et beaucoup de célébrations sacramentelles à présider. L’eucharistie dominicale ? L’évêque de Poitiers se contente de « moduler les formes » (p.29, col.3) : des grand-messes festives trois ou quatre fois par an, la messe avec le prêtre itinérant quand il est de passage, et le reste du temps « prière dominicale » ou ADAP.
De nombreuses femmes et des hommes président actuellement des « célébrations dominicales » ou ADAP, ainsi que des funérailles. Leur mission confiée par l’évêque est signifiée par le port d’une écharpe analogue à une étole.
Ces personnes sont jugé/es aptes à organiser le déroulement de la célébration, à commenter la Parole de Dieu et à prononcer une prière de louange. Dans l’exercice de cette fonction, n’agissent-elles pas « in persona Christi », représentant le Christ tête et pasteur de l’Église, tout comme les ministres ordonnés ?
Pourquoi ne seraient-elles pas jugées capables de présider également une eucharistie moyennant la formation appropriée et l’imposition des mains par l’évêque? Elles ont déjà bénéficié d’un envoi en mission très signifiant, au cours d’une célébration liturgique décrite dans « un nouveau visage d’Église ».
Oser innover
C’est ce que pense un ami père blanc missionnaire en Zambie (ancienne Rhodésie):
« Nous avons la trilogie Évêque, prêtre, diacre, fruit d’une évolution historique et théologique. L’évolution peut et doit continuer en fonction des besoins des communautés.
Le diacre se voit confiée la célébration de deux sacrements. Pourquoi ne pas lui en donner deux autres: la réconciliation et le sacrement des malades ? Ce serait une option mais bien minime.
On ne sortira pas de l’impasse où nous sommes si à côté du ministre permanent et total de la communauté, nous ne trouvons pas des ministres temporaires, recevant le pouvoir sacramentel, total ou partiel, à titre temporaire, en fonction de leur ministère pastoral qu’ils exercent tout aussi temporairement. C’est là que je situe véritablement la création, l’invention dont plusieurs parlent. La trilogie restera donc et agira de concert avec ceux et celles dont ils auront la responsabilité : les nouveaux ministres temporaires des sacrements.
C’est dans ce contexte de renouveau créatif en Église qu’hommes et femmes, mariés ou célibataires, auront à grandir dans une communion fondée sur leur ressemblance au diapason de différences qui font leurs richesses. » (Gilles Mathorel, lettre du 28 mai 2006)
Tant que les instances ecclésiales se sentiront obligées d’opter pour une conception du presbytérat qui soit compatible uniquement avec un statut clérical et un état de vie dans le célibat, leur souci pour les attentes réelles des communautés paraîtra inévitablement passer au second plan, quoi qu’ils en pensent et quel que soit leur discours.
En cela, les visées novatrices d’Albert Rouet ne quittent pas actuellement le sentier balisé par Rome ; elles sont un argument de plus pour garder le statu quo. Et alors l’ordination d’hommes mariés pourrait se perdre dans un horizon lointain. A moins qu’un nouveau Jean XXIII n’apporte un Souffle imprévisible, dans la ligne de ce que dit Jacques Noyer , évêque émérite d’Amiens :
« L’Église n’a jamais pu échapper totalement à la dérive de l’identique autour duquel les groupes humains cherchent leur cohérence et leur force. La volonté de former des légions à l’image des armées romaines n’est pas d’aujourd’hui. L’humilité, l’obéissance, le dépouillement et autres vertus, ont été mobilisés – et pour la cause défigurés – pour faire taire l’originalité, la créativité, la nouveauté, l’unicité des personnes.
Heureusement, l’Esprit de Dieu qui conduit les saints sur les chemins de l’inédit a toujours continué de souffler. Certes on canonise beaucoup de fondateurs d’ordre, mais on ne peut oublier qu’ils furent d’abord des fauteurs de désordre en secouant le ronron des habitudes.
L’Église que j’aime est celle qui engendre du neuf, donc de la diversité, qui invite les différences à se respecter et à communier, qui promeut l’unité par amour de l’autre. Y vivre est sans doute moins confortable que dans une caserne où le règlement prévoit tout. Avancer quand il n’y a pas de chemin est plus angoissant que de suivre sans réfléchir les pas de celui qui précède. Les pères et mères de familles savent bien la diversité de leurs enfants même s’ils ont pu un jour, quand ils étaient petits, les vêtir de la même façon. La famille de Dieu est celle de vocations toujours nouvelles. Il n’y a de fécondité que dans la différence. »
Claude BERNARD La Baule, 22/7/2006