Femmes prêtres : un enjeu de taille pour l’Église Catholique (Yvonne Bergeron)

Article D’Yvonne Bergeron, théologienne québècoise

Les ordinations à la prêtrise de femmes catholiques constituent une étape qui invite singulièrement à poursuivre la réflexion, le discernement et l’action. L’événement en lui-même, qualifié de  » transgression de conscience « , comporte l’affirmation d’un liberté certaine à l’endroit de l’autorité ecclésiale. Des enjeux fondamentaux s’y logent pour la société civile, les Églises et le dialogue interreligieux. Compte tenu de la brièveté de ce texte, je m’arrêterai seulement à ce que je considère comme le plus déterminant pour l’Église catholique, à savoir le PARTENARIAT INTÉGRAL entre les femmes et les hommes. Il s’agit d’une réalité non négociable car ce rapport d’interdépendance, qui caractérise la relation primordiale entre les femmes et les hommes, rejaillit sur l’ensemble de nos vies. Ne sommes-nous pas constitués partenaires?

Or, si l’institution ecclésiale continue de refuser l’accès des femmes au ministère ordonné, si elle ne reconnaît pas les femmes d’une façon pleine et entière, c’est-à-dire aussi sur le plan structurel et juridique, elle bloque la réalisation d’un partenariat intégral et donc authentique [¹] . Enjeu majeur qui renvoie au  » vice institutionnel  » qui piège fondamentalement le partenariat et conduit aux véritables causes des inégalités encore maintenues dans l’Église. Enjeu majeur également car, de plus en plus ignorée, cette institution verra s’accentuer la perte de crédibilité qui l’affecte et qui n’est pas sans lien avec l’incohérence persistante entre son discours sur l’égale dignité des humains et sa pratique paradoxale de discrimination à l’endroit des femmes.

L’enjeu est de taille et, pour en tenir compte dans la vérité, il ne suffira pas de petits ajustements organisationnels. Il est donc urgent que l’Église catholique consente à  » ouvrir  » la question de l’ordination des femmes, à promouvoir le débat et à opérer les transformations qui s’imposent. Cela implique de renoncer aux théories encore dépendantes d’une conception androcentrique de la nature humaine, d’une lecture sélective et réductrice des textes bibliques, d’une exégèse masculinisante, d’une confusion entre symbolique et biologique et d’un modèle d’Église plus hiérarchique qu’ecclésial. Cela exige aussi de prendre en compte la culture partenariale qui s’impose de plus en plus comme une valeur éthique incontournable et apparaît aujourd’hui comme un lieu privilégié de l’inculturation de l’Évangile, faisant ainsi la distinction entre ce qui appartient à des contextes historiques et ce qui relève de la foi en Jésus le Christ vivant. Cela nécessite enfin pour l’Église un questionnement radical de la conception et de l’exercice tout autant du pouvoir que du ministère ordonné. En effet, d’une part, parce que lié au ministère ordonné, le pouvoir concentré entre les mains des clercs discrédite la responsabilité des personnes baptisées et fausse les rapports hommes-femmes. D’autre part, pour que l’ordination de femmes soit un ferment de transformation ministérielle, il est essentiel de repenser l’ensemble des ministères en lien avec les théologies de la mission et de l’appel.

Nous pourrions imaginer ici tout un ensemble de changements découlant d’un consentement au PARTENARIAT INTÉGRAL. Chose certaine, c’est non seulement la justice envers les femmes et l’équilibre de l’institution ecclésiale qui sont en cause, mais aussi la promotion d’une plus grande libération pour l’humanité entière et la recherche d’une vie en plénitude à saveur évangélique. Manquerons-nous encore cet autre rendez-vous avec l’histoire? Saurons-nous, comme Église, écouter l’Esprit et discerner son passage du lieu même de ces ordinations de femmes? Au nom de quoi et de qui les autorités ecclésiales peuvent-elles continuer d’affirmer que l’Esprit ne peut appeler des femmes au ministère ordonné? Bref, sur le plan de son organisation et de ses propres structures, il est grand temps que l’Église catholique passe d’un discours sur la justice et l’égalité aux pratiques qui en font la démonstration.

[1. En effet, le partenariat se traduit, de façon progressive, dans un modèle relationnel fait de rapports réciproques et interdépendants, impliquant à la fois la reconnaissance fondamentale et explicite de la valeur des femmes et des hommes, le respect de leur différence, une radicale parité jusque dans l’exercice des tâches et des fonctions ecclésiales, et ce en vue d’une mission commune. Voir, à ce sujet, Yvonne BERGERON,  » Au-delà des résistances, partenaires femmes et hommes en Église « , La vie des communautés religieuses, mars-avril 2000, pp. 82-97.]

Sherbrooke, 14 décembre 2005

Yvonne BERGERON, québécoise et théologienne

L’ecclésiologie et la pastorale sociale sont les deux domaines de ses engagements et de sa réflexion. Elle a notamment publié seule ou en collaboration :

  • Le symposium au miroir des observateurs dans Pleins feux sur le partenariat en Église, Actes du Symposium Le partenariat hommes et femmes en Église, Yvonne BERGERON et Paul TREMBLAY – Montréal, Editions Paulines – 1997
  • Voix de femmes, voies de passage, Lise BARONI, Yvonne BERGERON, Pierrette DAVIAU, Michèle LAGUË – Montréal, Editions Paulines – 1995
  • Partenaires en Eglise, femmes et hommes à part égale, Yvonne Bergeron – Montréal, Editions Paulines – 1991

Ce site n'enregistre
et n'utilise
aucune donnée personnelle à votre insu.