Recension par Jean-Pierre Schmitz – Ouvrage déposé dans le fonds Genre en Christianisme de la bibliothèque du Saulchoir à Paris
Les auteur-E-s de ce petit livre au format poche ne prétendent pas traiter de manière exhaustive et détaillée tous les aspects de la question du genre aujourd’hui.
Leur objectif est de jeter quelques coups de projecteurs sur un certain nombre de champs concernés par le concept et les études de genre sans doute encore peu, voire pas du tout, connus et compris par la plupart de nos contemporains. Le livre part du constat que, malgré l’abondance de publications sur le sujet, l’accueil des études de genre, aussi bien par des individuels que par des structures politiques, confessionnelles, etc., est très souvent réservé, sinon franchement hostile. Le titre associe bien les deux mots, tous deux au pluriel : théories et controverses.
De manière caricaturale, les opposants au concept de genre, en majorité issus de milieux conservateurs et catholiques, parlent de « théorie du genre », expression qui selon Laure Bereni, laisse entendre qu’il existerait un corpus idéologique homogène et doté d’une stratégie politique déterminée. Tout le livre démontre qu’une telle affirmation simpliste est totalement vide de sens compte tenu de l’historique de la notion de genre depuis ses débuts outre Atlantique (gender) et de l’extrême diversité et de la complexité des champs couverts par les études de genre. Les points les plus importants qui sont traités sont la question religieuse, la place de la biologie et l’analyse de Mathieu Trachman sur la masculinité.
L’ouvrage est en fait un collectif dirigé par Laure Bereni et Mathieu Trachman, tous deux chercheur-E-s. En plus de leurs contributions, il faut mentionner les apports suivants :
- L’historienne Clyde Plumauzille qui analyse les travaux de l’historienne américaine Joan Scott, figure centrale des études de genre, notamment à partir des structures sociales inégalitaires entre femmes et hommes
- Anthony Favier, membre de FHEDLES, qui décrit les oppositions très fortes à la notion de genre à l’intérieur de l’Eglise catholique, mais souligne également les prémisses d’évolution sur la question par des chrétiennes et chrétiens, notamment en ce qui concerne la théologie féministe.
- Michal Raz, doctorante à l’EHESS, met au jour la fausse évidence d’une dichotomie absolue et naturelle entre les sexes
- Et le sociologue Eric Fassin qui en postface revient sur les enjeux politiques du concept de genre.
Dans sa contribution intitulée « état des lieux », Laure Bereni insiste particulièrement sur l’idée que les rapports de genre sont toujours imbriqués dans d’autres rapports de pouvoir… et que cela s’est imposé à un degré plus élevé dans le champ des études sur le genre que dans d’autres sous-champs qui étudient la production des inégalités sociales, notamment les rapports de classe.
Même si sur chaque sujet l’essentiel est écrit dans un langage accessible à tous, les nombreuses notes en bas de page et la bibliographie en fin d’ouvrage donnent au lecteur qui le souhaite toutes les pistes pour aller plus loin.
Laure Bereni, Mathieu Trachman (dir.), Le genre, théories et controverses
PUF – Vie des idées, 2014, 100 pages.