Proposition de constitution pour l’Église catholique

Élaborée par l’Association for the rights of Catholics in the Church, elle a été examinée et amendée par de nombreux groupes et personnes et en particulier au Réseau européen Église de liberté. Le Mouvement international Nous sommes Église en est saisi.

L’Église catholique a une constitution. Le Code de droit canonique de 1983 en contient des éléments écrits.

Fait sans précédent, des associations catholiques en proposent une autre. Leur initiative s’inscrit dans la préparation d’un concile de tout le peuple chrétien, auquel appelle le Conseil œcuménique des Églises et, à ses côtés, le Mouvement international Nous sommes Église, issu du référendum d’initiative populaire pour les réformes dans l’Église catholique parti d’Autriche en 1995.

Le texte proposé veut mettre en forme constitutionnelle la vision d’une Église communion proclamée par le deuxième concile du Vatican (1962-65). Le mode de gouvernement actuel, tout à la fois patriarcal, monarchique, féodal, centraliste, reste très éloigné de cette vision partagée par une une fraction grandissante des catholiques et qui s’enracine dans une tradition chrétienne des plus anciennes et,  en même temps, rencontre l’expérience des sociétés démocratiques.

Le chantier constitutionnel catholique est ouvert

La Proposition de constitution présentée dans ce fascicule est le résultat de débats qui vont s’élargissant, notamment sur les espaces d’Internet où peut débattre la plus ouverte des assemblées constituantes. Cette proposition est à prendre comme un texte de discussion destiné à tous les catholiques et particulièrement à ceux qui veulent travailler à l’avènement d’un ordre ecclésial renouvelé pour répondre aux appels du troisième millénaire. Elle fera l’objet de versions ultérieures à la lumière du débat mondial qu’elle vise à ouvrir. La préparation d’un Concile constituant est une entreprise  de longue haleine.

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Association for the rights of Catholics in the Church – Réseau européen Eglise de liberté – Janvier 1999

Vers une constitution  de l’Église catholique

« Faites une Constitution pour l’Église catholique« , ordonnait le Pape Paul VI pendant le second Concile du Vatican (1962-65). En fait, il y a eu d’innombrables éléments d’une Constitution dans beaucoup de documents de l’Eglise au cours des siècles. Le Code de droit canonique de 1983 contient même des pans importants d’une constitution écrite. Néanmoins, cette constitution partielle est très incomplète et elle est muette au sujet d’un partage démocratique des responsabilités tel que maintes structures de gouvernement de l’Eglise catholique l’ont pratiqué dans le passé.

Jaillie de la vision proclamée et des énergies libérées par le second Concile du Vatican, une dynamique d’élaboration et de discussion d’une Constitution renouvelant le mode de gouvernement de l’Eglise catholique est aujourd’hui à l’oeuvre. Cette Constitution serait imprégnée de l’esprit de l’Evangile de libération de Jésus et de son amour. Elle s’inspirerait des principes de gouvernement les plus éprouvés à l’orée du 3ème millénaire.

La présente Proposition d’une constitution de l’Eglise catholique s’appuie sur les valeurs évangéliques, l’histoire et la théologie de l’Eglise, le droit canonique, les documents de Vatican II, la Loi fondamentale de l’Eglise (Lex ecclesiae fundamentalis) commandée en 1965 par le Pape Paul VI, le Code de droit canonique de 1983 et sur l’expérience du droit constitutionnel des deux cents dernières années.

La liste des droits et responsabilités énoncées dans la Proposition de constitution est tirée de la Charte des droits des catholiques dans l’Église rédigée à la lumière de larges consultations internationales par l’Association for the rights of catholics in the Church (ARCC) et de la Déclaration des droits et libertés dans l’Eglise catholique adoptée par le Réseau européen Église de liberté (RE). Ces textes eux-mêmes s’inspirent largement de la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations-Unies.

La Proposition de constitution a été élaborée par l’Association for the rights of Catholics in the Church. Elle a été examinée par de nombreux groupes et personnes et en particulier au Réseau européen Église de liberté et en conséquence maintes fois amendée. Le Mouvement international Nous sommes Église en est saisi.

La Proposition de constitution ne se veut toutefois qu’un projet ne pouvant devenir un instrument adéquat pour organiser le gouvernement de l’Église catholique qu’au terme d’une discussion longue et approfondie. Dans cette discussion, doivent entrer l’expérience et la compétence de constitutionnalistes, politologues, canonistes, théologiens, historiens de l’Eglise, pasteurs, évêques, papes, sociologues, psychologues, pédagogues, gestionnaires,sans oublier les parents, les jeunes et les vieux, les femmes et les hommes: en un mot, toutes les composantes du peuple de l’Eglise. Nous entendons aussi apprendre de l’expérience d’autres Eglises qui ont développé diverses formes de coresponsabilité et de structures démocratiques.

Peut-être est-ce dans la conscience et dans la mentalité des catholiques que le changement décisif doit s’opérer pour qu’une Constitution catholique entre dans les faits. La tradition et la communauté catholiques doivent être vues et vécues comme source vive de sens, de santé, de sainteté et de libération, dont les chrétiens mûrs se sentent ensemble responsables. Cela signifie un partage adulte et démocratique de la revendication des droits et de l’acceptation des responsabilités dans le cadre d’une constitution.

En conséquence, l’Association for the rights of Catholics in the Church et le Réseau européen Eglise de liberté appellent à ce que:

a) les catholiques s’engagent dans une réflexion et une discussion en profondeur qui puisse déboucher sur une action, concernant l’idée, les principes et les pratiques d’un partage de la responsabilité dans l’Eglise, c’est à dire d’un catholicisme ancré dans la culture démocratique, et qu’ils en cherchent une traduction constitutionnelle.

b) les propositions visant à amender la présente Proposition de constitution soient communiquées par écrit (adresses indiquées plus loin), étant rappelé qu’il s’agit de faire, non un condensé de la théologie ou des lois souhaitables mais une Constitution -nécessairement brève et limitée à l’essentiel des principes, procédures et structures.

c) les catholiques mobilisent leur créativité pour répandre l’idée, les principes et les formes concrètes, constitutionnelles en particulier, d’un catholicisme ancré dans la culture démocratique  (articles de presse, lettres de lecteurs, conférences, manuels, cours, homélies, émissions de radio et de télévision, Internet).

d) les catholiques pressent leurs curés de donner, sans attendre des actions d’en-haut ou d’en-bas, le départ d’un processus mettant ensemble toutes les composantes de leur paroisse pour élaborer une Constitution paroissiale selon laquelle la paroisse se gouvernera. Le Code de droit canonique de 1983 n’y met pas obstacle. Le Curé d’une paroisse n’a besoin d’aucune permission pour prendre l’initiative et aller de l’avant.

S’il est vrai qu’un curé ne serait pas lié par la Constitution mise en vigueur par son prédécesseur, la balle aurait commencé à rouler et il serait difficile d’en inverser la trajectoire. Ce serait encore plus vrai si des constitutions devaient être mises en place avec succès dans plusieurs paroisses. Nul doute qu’une Constitution paroissiale appliquée avec succès aurait un effet d’entraînement  sur d’autres paroisses du diocèse.

e) les catholiques pressent leurs évêques de donner, sans attendre une action d’en-haut ou d’en-bas, le départ d’un processus mettant ensemble toutes les composantes de leur diocèse pour élaborer une Constitution diocésaine selon laquelle le diocèse se gouvernera. Le Code de droit canonique de 1983 n’y met pas obstacle. L’Evêque n’a besoin d’aucune permission pour prendre l’initiative et aller de l’avant. Citons l’exemple éclatant de la Constitution diocésaine de John England, évêque de Charleston, Caroline du Nord (1820-1842), qu’on peut considérer comme l’évêque le plus remarquable de l’histoire catholique des Etats-Unis.

S’il est vrai qu’un évêque ne serait pas lié par la Constitution de son prédécesseur, la balle aurait commencé à rouler et il serait difficile d’en inverser la trajectoire. Ce serait particulièrement vrai si plusieurs évêques américains devaient mettre en application avec succès une Constitution diocésaine. Une constitution appliquée avec succès aurait un effet d’entraînement sur les paroisses du diocèse et sur le diocèse.

Le chemin qui conduit à l’adoption d’une Constitution écrite de l’Eglise catholique sera, à n’en pas douter, malaisé et sinueux. Mais les catholiques sont de plus en plus nombreux à avoir le sentiment qu’il faut prendre le départ. Ceux et celles d’entre nous qui en ont dès à présent la conviction ont la responsabilité d’être moteurs même sans avoir l’assurance d’arriver personnellement à destination.

Contacts

Etats-Unis: Leonard Swidler, Religion Department, Temple University, Philadelphie, PA, Etats-Unis

tél: 1.215 204 7251; téléc: 1.215 204 4569

dialogue@vm.temple.edu; http://astro.temple.edu/~arcc

Europe: Oswald Stein, Lerchenweg 2a, D-61462; tél: 49 6174 21369

France: Hubert Tournès, Droits et libertés dans les Eglises

téléc: 33 4 67 43 81 95, hubertournes@wanadoo.fr http://www.synodeparvis.com

PROPOSITION D’UNE CONSTITUTION

DE L’EGLISE CATHOLIQUE

La présente Constitution définit le cadre dans lequel l’Eglise catholique se gouverne. Elle énonce les droits fondamentaux et les responsabilités corrélatives des membres ainsi que les structures fondamentales de la prise de décision et de l’action dans l’Eglise catholique. Les lois, réglements et coutumes de l’Eglise catholique s’appliquent dans le cadre et selon l’esprit de cette Constitution.

I. PREAMBULE

1. Nous, peuple de l’Eglise catholique, exprimons la conviction que, tous les hommes et toutes les femmes étant créés à l’image et ressemblance de Dieu et la même parole divine sur la manière dont ils devraient vivre étant écrite dans tout coeur humain, toutes les personnes doivent être traitées dignement et également, chacune d’elles ayant les mêmes droits et responsabilités fondamentales.

2. Nous exprimons la conviction que, par la foi en Dieu à travers Jésus et par le baptême dans l’eau et dans l’Esprit saint, toutes les chrétiennes et tous les chrétiens deviennent membres du corps du Christ, c’est à dire de l’Eglise universelle et s’engagent à vivre l’Evangile annoncé et vécu par Jésus. Nous exprimons en outre la conviction que toutes les chrétiennes et tous les chrétiens qui reconnaissent le ministère d’unité qui a été historiquement exercé par l’évêque de Rome, sont membres de l’Eglise catholique romaine (ci-après dénommée l’Eglise).

3. Nous exprimons la conviction que la mission de l’Eglise, fondée dans l’Evangile, est d’annoncer la Bonne nouvelle relative à la manière de vivre en tant qu’images de Dieu, une vie pleinement humaine, personnellement et collectivement dans la justice et dans l’amour et de témoigner de cette Bonne nouvelle.

Nous exprimons la conviction que l’Eglise accomplit cette mission selon les lois qu’elle établit pour promouvoir et observer l’esprit de l’Evangile et pour soutenir ses membres dans leurs efforts pour vivre dans l’amour de Dieu et du prochain.

Sont fondamentaux pour la mission de l’Eglise certains droits et responsabilités qui appartiennent à tous ses membres.

II. DROITS ET RESPONSABILITES

Les droits fondamentaux des membres de l’Eglise découlent des droits de l’Homme d’une part, de leur baptême d’autre part.

Chacun de ces droits entraîne une responsabilité, généralement assez évidente pour ne pas requérir une formulation spécifique.

Ces droits et responsabilités valent sans considération d’appartenance ethnique, de nationalité, de sexe, d’orientation sexuelle, d’état de vie, d’âge, de situation sociale ou économique.

A. Droits fondamentaux de l’être humain

1. Sont garantis à tous les membres de l’Eglise en particulier les droits de l’Homme suivants:

a) liberté d’action, b) liberté de conscience, c) liberté d’opinion et d’expression, d) droit de recevoir et de diffuser l’information, e) liberté d’association, f) droit à une procédure légale, g) droit de participer au gouvernement, h) droit à ce que les responsables choisis rendent compte, i) droit à la sauvegarde de leur réputation et de leur vie privée, j) droit de se marier, k) droit à l’éducation.

Tous les membres de l’Eglise ont le devoir d’exercer ces droits de façon responsable.

2. Comme conséquence du droit à la liberté d’action, tous les membres de l’Eglise ont le droit de s’engager dans toute activité qui ne cause aucun tort ni ne porte atteinte aux droits d’autrui.

3. Comme conséquence du droit à la liberté de conscience, tous les membres de l’Eglise ont le droit et la responsabilité de suivre en toutes matières leur conscience informée.

4. Comme conséquence du droit à recevoir et à diffuser l’information, tous les membres de l’Eglise ont le droit d’accéder à toute information en possession des autorités ecclésiales intéressant leur bien spirituel ou temporel, pour autant que cet accès ne porte pas atteinte aux droits d’autrui.

5. Comme conséquence du droit à la liberté d’opinion et d’expression, tous les membres de l’Eglise ont le droit d’exprimer publiquement d’une manière responsable leur accord ou leur désaccord concernant les décisions des autorités ecclésiales.

a) Tous les membres de l’Eglise ont le droit et la responsabilité de faire connaître leur opinion, particulièrement lorsqu’ils ont une expérience de première main de la matière.

b) Les enseignants et les chercheurs en théologie ont le droit à la liberté académique. La recevabilité de leur enseignement doit être appréciée dans le dialogue avec leurs pairs et, si nécessaire avec les autorités de l’Eglise. Ces enseignants et chercheurs auront présent à l’esprit que la quête de la vérité et son expression impliquent de poursuivre où que mène l’évidence, d’où la légitimité d’un dissentiment responsable ainsi que d’un pluralisme de la pensée et de son expression.

6. Comme conséquence du droit à la liberté d’association, tous les membres de l’Eglise ont le droit de former des associations pour poursuivre des buts d’Eglise; ces associations ont le droit de décider de leurs règles de gouvernement.

7. Comme conséquence du droit à une procédure légale, tous les membres de l’Eglise ont le droit à ce que leur cause soit traitée sans délais indus, selon les normes communément reconnues comme équitables des procédures administratives et judiciaires, ainsi qu’à la réparation selon des voies de droit des préjudices subis.

8. Comme conséquence du droit de participer au gouvernement, tous les membres de l’Eglise ont le droit de faire entendre leur voix dans les décisions qui les concernent, ce qui inclut le choix des personnes ayant autorité sur eux.

9. Comme conséquence du droit de mettre en jeu la responsabilité des personnes ayant autorité sur eux, tous les membres de l’Eglise ont droit à ce que ces responsables leur rendent compte.

10. Comme conséquence du droit à la sauvegarde de leur réputation et de leur vie privée, tous les membres de l’Eglise ont droit à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à leur réputation et que  leur vie privée ne soit pas violée.

11. Comme conséquence du droit de se marier, tous les membres de l’Eglise, y compris  les ministres ordonnés, ont le droit de choisir leur état de vie. Ceci inclut le droit de se marier, de vivre seul ou de faire voeu de célibat.

12. Comme conséquence du droit de se marier, chaque conjoint conservant pendant le mariage tous ses droits et l’égalité, tous les membres de l’Eglise ont le droit de mettre fin à un mariage irrémédiablement brisé.

a) Les membres de l’Eglise qui font usage de ce droit conservent le droit de se remarier.

b) Les membres de l’Eglise divorcés et remariés qui sont en conscience réconciliés avec l’Eglise conservent leur droit à tous les services d’Eglise et en particulier à tous les sacrements.

13.Comme conséquence du droit au mariage et à l’éducation, les parents ont le droit et la responsabilité de:

a) déterminer en conscience la taille de leur famille,

b) choisir les méthodes appropriées de régulation des naissances,

c) pourvoir à l’éducation de leurs enfants.

B. Droits fondamentaux du/de la baptisé/e

Comme conséquence de leur baptême, tous les membres de l’Eglise ont les droits fondamentaux suivants.

1. Tous les membres de l’Eglise ont droit à tous les services d’Eglise nécessaires pour mener une vie pleinement chrétienne et en particulier:

a) une liturgie qui exprime les joies et les préoccupations de la communauté rassemblée, qui contribue à son éducation et à son animation,

b) une initiation spirituelle et morale, selon la tradition chrétienne, mettant en lumière le caractère salutaire et la pertinence des valeurs chrétiennes dans la vie d’aujourd’hui,

c) un service pastoral offrant l’héritage chrétien et ayant pleinement égard à la situation particulière des personnes.

2. Tous les membres de l’Eglise ont le droit:

a) de recevoir tous les sacrements auxquels ils ont été adéquatement préparés,

b) d’assurer, selon les besoins et avec l’accord ou selon un mandat de la Communauté, tous les services d’Eglise auxquels ils ont été adéquatement préparés.

3. Tous les membres de l’Eglise ont le droit de bénéficier de façon équitable des ressources de l’Eglise. Ceci implique entre autres que:

a) les femmes ont, à égalité avec les hommes, le droit de bénéficier des ressources matérielles et d’exercer tous les pouvoirs dans l’Eglise,

b) les parents ont le droit à un équitable soutien matériel et autre de la part des ministres de l’Eglise dans l’éducation religieuse de leurs enfants,

c) les personnes vivant seules ont le droit de bénéficier de façon équitable des ressources de l’Eglise.

4. Comme conséquence de leur baptême ainsi que de la nature sociale de l’être humain, tous les membres de l’Eglise ont la responsabilité de soutenir l’Eglise selon leurs possibilités par le don de leur temps, de leurs capacités et de leurs moyens financiers.

III. STRUCTURES DE GOUVERNEMENT

A. Considérations fondamentales

1. Au cours des siècles, l’Eglise a affronté la pratique du pouvoir et du droit, l’un et l’autre nécessaires à toute société pour se développer de manière humaine et simplement pour durer. Elle a bénéficié et pâti à la fois de nombreuses expériences en la matière dans une grande variété de cultures. En mettant en oeuvre dans son sein ces expériences, elle a acquis un grand discernement de ce qui marche bien et ce qui ne marche pas.

2. Deux enseignements tirés de ces expériences sont fondamentaux pour le gouvernement de l’Eglise dans le 3° millénaire. Le premier est que le partage de la responsabilité et la liberté correspondante sont au coeur de l’humain, pour la personne comme pour la communauté. Le second est que la voie la plus sûre pour arriver à une compréhension toujours plus pleine de la réalité est de dialoguer, à la fois dans l’Eglise et avec ceux qui n’y sont pas. C’est sur une longue expérience, source de sagesse, et en particulier sur ces deux enseignements-clé que la présente Constitution construit les structures de gouvernement de l’Eglise.

B. Principes

1. L’Eglise est par nature communauté. L’unité qui forme la base de cette communauté ecclésiale est là où les membres vivent quotidiennement leur vie, à commencer par la famille et autres liens personnels. Dès lors, la communauté locale, le plus souvent mais non exclusivement la paroisse géographique est l’unité fondamentale de l’Eglise.

2. L’Eglise est aussi par nature communion de communautés, de sorte que les communautés locales sont unies dans des communions intermédiaires, le plus souvent mais non exclusivement le diocèse géographique, unies elles-mêmes dans des communions nationales, unies à leur tour dans la communion mondiale de l’Eglise catholique. D’autres communions, régionales ou multinationales notamment, peuvent se constituer pour des raisons géographiques ou linguistiques ou autres.

3. Inspirés de l’Evangile, de l’expérience humaine, de la tradition chrétienne vivante et en particulier des deux enseignements-clé -responsabilité partagée et liberté d’une part, dialogue d’autre part, les principes suivants façonnent les structures de gouvernement et les règles de l’Eglise:

a) le principe de subsidiarité s’applique dans toute l’Eglise, c’est à dire que la décision et les responsabilités corrélatives appartiennent aux petites communautés, pour autant que le bien de la communauté plus large n’exige pas que la décision appartienne à cette dernière,

b) dans toute l’Eglise, la formulation et l’application de la tradition procèdent d’un dialogue conduit dans l’amour et le respect mutuels,

c) dans toute l’Eglise, chaque communauté établit son corps de règles de gouvernement.

d) les responsables sont élu-e-s selon des procédures donnant voix à toutes les personnes concernées,

e) les responsables exercent leur charge pour une durée limitée et déterminéee,

f) une séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, accompagnée d’un système de contrôles et de contrepoids, est observée, ce qui inclut des conciles et des responsables représentativement élus ainsi que des systèmes judiciaires organisés à tous les niveaux; ces trois branches partagent la responsabilité selon l’esprit de l’Evangile et de la présente Constitution,

g) tous les responsables rendent compte de leur activité aux instances qui les ont choisis; les rapports financiers sont vérifiés en tant que de besoin par un auditeur extérieur,

h) toutes les composantes du peuple de l’Eglise, notamment les femmes et les minorités, sont équitablement représentés dans toutes les instances de direction et de décision.

C. Conciles

1. Dans chaque cercle de la communion ecclésiale -local, diocésain, national, multinational, universel ou autre niveau où cela se justifie- il est institué des conciles représentatifs formant l’instance principale de décision. Chaque concile observe les principes suivants:

. les délibérations et décisions obéissent aux principes de subsidiarité et de dialogue,

. les membres des conciles sont élus d’une manière aussi représentative que possible; ils comptent notamment des représentants d’organisations d’Eglise,

. les membres des conciles sont élus pour une durée déterminée,

. chaque concile arrête son statut et son réglement intérieur, prenant en compte les règles établies par les communautés plus larges,

. le statut et le réglement intérieur de chaque concile déterminent le nombre, le mode d’élection et la durée du mandat des membres, le mode de désignation de la présidence, la répartition des responsabilités de décision, ainsi que les autres procédures ecclésiales, en conformité avec les principes fondamentaux énoncés dans la présente Constitution,

. la règle « une personne une voix » prévaut dans tous les conciles,

. nul n’a un droit de veto,

. les conciles nationaux, multinationaux et universel sont composés d’au moins 30% de ministres et d’au moins 30% d’autres membres de l’Eglise.

a) L’Eglise locale

2. Les membres de la Paroisse (ou autre communauté locale) élisent un Concile paroissial qui constitue l’instance principale de décision de la Communauté. Le/la Pasteur/e est membre de droit du Concile.

3. Si la Paroisse n’a pas encore de constitution ou de statut, le Concile paroissial lui en soumettra pour approbation, prenant en compte les règles applicables des communions plus larges.

4. Le Concile paroissial porte, directement ou à travers des commissions, la responsabilité ultime de la politique en matière de liturgie, de formation, de travail social, d’administration, de finances et autres activités menées au nom de la Paroisse.

b) L’Eglise diocésaine

5. Chaque Diocèse élit un Concile diocésain qui constitue l’instance principale de décision. Le concile diocésain est composé d’au moins 30% de ministres et d’au moins 30% d’autres fidèles. L’évêque diocésain en est membre de droit.

6. Si le diocèse n’a pas encore de constitution ou de statut, le Concile diocésain en élabore, prenant en compte les règles nationales et internationales applicables. L’adoption de ces textes requiert l’approbation des 2/3 des Conciles paroissiaux du diocèse.

7. Le Concile diocésain porte, directement ou à travers des commissions ou des organismes, la responsabilité ultime de la politique et de la réglementation en matière de liturgie, de formation, de travail social, d’administration, de finances et de toutes autres activités menées au nom de l’Eglise diocésaine.

c) L’Eglise nationale

8. Les Conciles diocésains d’une nation instituent en principe un Concile national. Si, eu égard à leur taille ou pour d’autres raisons, certains Conciles diocésains décident qu’un Concile national ne constitue pas la représentation appropriée, ils demandent au Concile général l’autorisation de rejoindre ou d’instituer un autre concile de niveau équivalent. Le Concile national ou un autre en tenant lieu constitue l’instance principale de décision de l’Eglise nationale.Il est composé d’au moins 30% de ministres et d’au moins 30% d’autres fidèles. Un évêque et une personne non ordonnée élus par le Concile national en exercent la coprésidence.

9. Si l’Eglise nationale n’a pas encore de constitution ou de statut, le Concile national en élabore, prenant en compte les règles applicables de l’Eglise universelle et la présente constitution. L’adoption de ces textes requiert l’approbation les 2/3 des conciles diocésains.

10. Le Concile national porte, directement ou à travers des commissions ou des organismes, la responsabilité ultime de la politique et de la réglementation en matière de liturgie, de formation, de travail social, d’administration, de finances et de toutes autres activités menées au nom de l’Eglise nationale.

d) L’Eglise multinationale

11. Si plusieurs Conciles nationaux d’un continent ou d’une zone géographique déterminée décident de former une communion multinationale, ils élaborent le statut d’une instance commune de décision, prenant en compte les règles applicables de l’Eglise universelle et de la présente Constitution. L’adoption du  texte requiert l’approbation des 2/3 des conciles concernés.

e) L’Eglise universelle

12. Les Conciles nationaux élisent tous les 10 ans un Concile général qui forme l’instance principale de décision de l’Eglise universelle. Le Concile général porte la responsabilité ultime d’édicter les lois et réglementations régissant l’Eglise universelle ainsi que de déterminer les politiques et la discipline concernant la doctrine, la morale, la liturgie, la formation, l’engagement social, l’administration et toutes autres activités menées au nom de l’Eglise universelle, avec une attention spéciale au principe de subsidiarité. Le Pape et une personne non ordonnée élue par le Concile général en exercent la coprésidence. Le Concile général est composé d’au moins 30% de ministres et d’au moins 30% d’autres fidèles.

13. Les membres du Concile général sont élus de façon échelonnée pour dix ans. Le Concile général se réunit au moins une fois par an.

14. Le Concile général se compose de 500 délégués choisis par les Conciles nationaux en proportion du nombre des catholiques recensés dans les pays concernés. Les pays comptant un nombre de catholiques inférieur au minimum requis pour avoir droit à un délégué se joignent à une unité plus large.

15. S’il n’a pas encore de statut ou de réglement intérieur, le Concile général en élabore. L’adoption de ces textes requiert l’approbation des 2/3 des Conciles nationaux, étant saufs les principes fondamentaux de gouvernement énoncés dans la présente Constitution.

16. Les statuts et le réglement intérieur du Concile général, ainsi que ceux de tous les organismes qu’il instituera, ont la même valeur juridique que la présente Constitution. Ces textes ne peuvent être amendés que selon les dispositions du chapitre V Procédure d’amendement de la présente Constitution.

17. Au cours de sa première année, le Concile général met en place la Commission des élections papales et en établit le statut et le réglement intérieur. Le statut et le réglement intérieur de la Commission ne peuvent être amendés que selon les dispositions du chapitre V Procédure d’amendement de la présente Constitution. La Commission est indépendante du Concile général.

18. Le Concile général porte, à travers des commissions ou organismes, la responsabilité ultime d’appliquer les lois, réglements et politiques de l’Eglise universelle.

D. Ministres

a) Généralités

1. Les ministres[1] et autres responsables d’un service d’Eglise doivent avoir une formation et une expérience appropriées.

2. Les ministres sont au service de l’Eglise de façon permanente et sont habilité/e/s à agir au nom de la communauté.

3. Les ministres sont choisi/e/s selon une procédure donnant voix à tous ceux et à toutes celles sur qui ils auront autorité. Cela vaut en particulier pour le/la Pasteur/e, pour l’Evêque diocésain/e et pour le/la Pape/sse.

4. Les ministres exercent leur charge pendant une durée déterminée. La constitution diocésaine détermine la durée et les conditions de renouvellement du mandat du/de la Pasteur/e. La Constitution nationale détermine la durée et les conditions de renouvellement du mandat de l’Evêque diocésain/e.

5. Les ministres ne peuvent être démis/es de leur charge que selon une procédure régulière conforme aux principes généraux de la présente Constitution.

6. Les responsabilités et les droits corrélatifs des ministres sont définis par les constitutions des Eglises particulières. Les responsabilités et droits du/de la Pasteur/e, de l’Evêque et du/de la Pape/sse sont précisés ci-après.

b) Le/la Pasteur/e

7. Le/la Pasteur/e est choisi/e par la Paroisse ou autre communauté locale avec l’accord de l’Evêque et du Concile diocésains, conformément aux procédures prévues dans la Constitution diocésaine.

8. Le/la Pasteur/e conduit l’Equipe pastorale paroissiale. Celle-ci porte, dans le cadre des politiques définies par le Concile paroissial, la responsabilité principale de la liturgie, de la formation spirituelle et morale et de tout ce qui relève du service pastoral. Cette responsabilité comprend:

a) une liturgie qui reflète les joies et soucis de la communauté rassemblée, contribue à son éducation et à son animation.

b) un enseignement de la tradition chrétienne et une initiation spirituelle et morale mettant en lumière la caractère salutaire et la pertinence des valeurs chrétiennes dans la vie d’aujourd’hui.

c) un service pastoral qui offre l’héritage chrétien de manière effective, dans l’amour et dans l’attention à la situation particulière des personnes.

9. Les pasteur/e/s ont le droit et la responsabilité d’acquérir la formation appropriée et de poursuivre leur formation pendant toute la durée de leur mission.

10. Les pasteur/e/s ont droit à un soutien financier convenable et à la liberté nécessaire pour l’exercice de leur mission.

c) L’Evêque

11. L’Evêque est choisi/e par le Concile diocésain conformément à la Constitution diocésaine et en prenant en compte les règles de l’Eglise nationale et internationale, ce qui inclut la consultation des commissions compétentes du Concile national et du Concile général.

12. L’Evêque conduit Equipe pastorale diocésaine. Celle-ci porte, dans le cadre des politiques définies par le Concile diocésain et dans le respect du principe de subsidiarité, la responsabilité principale de la liturgie, de la formation spirituelle et morale et du service pastoral.

d) Le/la Pape/sse

13. Le/la Pape/sse de l’Eglise universelle est élu/e, pour une période de dix ans non renouvelable, par le Congrès pour l’élection papale composé de délégué/e/s élus par les Conciles nationaux.

a) Le nombre de délégué/e/s des Conciles nationaux est fixé par la Commission des élections papales. Il est proportionnel à celui des catholiques indiqué par les recensements nationaux.

b) Les délégué/e/s sont choisi/e/s sur une base aussi représentative que possible, un tiers d’entre eux/elles sont des évêques.

14. Le/la Pape/sse porte, avec le Concile général, les commissions et les organismes de celui-ci, la responsabilité principale de la mise en oeuvre, dans le respect du principe de subsidiarité, des politiques définies par le Concile général, en particulier dans les domaines de la liturgie, de la foi, de la morale, de l’initiation spirituelle et du service pastoral de l’Eglise universelle.

IV. Système judiciaire

A. Principes

1. L’Eglise catholique est une Eglise en marche, ayant toujours besoin de se réformer et de progresser. Des divergences voire des différends et des violations des droits parmi ses membres sont inévitables. Ces affaires doivent être réglées par des voies de conciliation et d’arbitrage. Si cela s’avère impossible, les catholiques peuvent les porter devant les tribunaux de l’Eglise pour jugement.Tous les membres de l’Eglise ont droit à un procès équitable et correct selon la loi ecclésiale. Le personnel judiciaire doit être convenablement formé et compétent.

2. Il est institué un système de tribunaux diocésains, provinciaux, nationaux et internationaux de première instance, chacun d’eux étant associé à un tribunal d’appel. Ces tribunaux sont régis par la présente Constitution et par les lois édictées en conformité de ses dispositions.

B. Tribunaux

a) Tribunaux locaux et régionaux

1. Chaque diocèse établit un tribunal ou prend d’autres dispositions pour le traitement judiciaire des conflits et des affaires pénales dont il est saisi par ses membres.

a) Les Tribunaux diocésains ont compétence pour toutes matières relevant de l’ordre interne de l’Eglise locale et régionale. Ces matières comprennent tous les actes que la loi de l’Eglise qualifie d’actes administratifs, de délits, les conflits de juridiction et les affaires relevant de l’équité ou de la restitution[2]

b) Les Tribunaux diocésains appliquent le droit processuel établi par l’Eglise universelle.

c) Les appels formés contre les jugements du Tribunal diocésain sont entendus par le Tribunal de la province ecclésiastique compétent.

2. Les affaires mettant en cause l’Evêque diocésain/e sont de la compétence du Tribunal national.

b) Tribunaux nationaux

1. Le Concile national institue des Tribunaux d’appel provinciaux selon les besoins et un Tribunal national d’appel, compétent pour statuer sur les recours formés contre les décisions des Tribunaux provinciaux.

2. Les recours formés contre les décisions du Tribunal national sont entendus par le Tribunal suprême.

c) Tribunaux multinationaux

1. Pour les pays où il n’existe pas de Tribunal national, le Concile général institue un Tribunal d’appel multinational.

2. Le Concile général institue un Tribunal suprême compétent pour statuer en dernier ressort sur les recours dont il est saisi contre les décisions des tribunaux inférieurs ou sur les affaires portées devant lui par le Concile général.

3. Le Tribunal suprême a compétence pour des affaires dans lesquelles le/la Pape/sse est accusé/e d’actes illégaux ou inconstitutionnels.

4. Il n’y a pas d’appel des décisions du Tribunal suprême.

C. Aptitude des responsables à poursuivre leurs fonctions

Les responsables restent en fonctions jusqu’à la fin de leur mandat, à moins que leur compétence ou leur aptitude à remplir leur charge ne soit mise en cause selon des normes établies en conformité avec la Constitution. La décision appartient au supérieur ecclésiastique de l’intéressé ou au Concile compétent, une procédure légale étant observée. Dans le cas du/de la Pape/sse, elle appartient au Concile général réuni en session ordinaire ou extraordinaire.

V. AMENDEMENTS

La présente Constitution peut être amendée par un vote à la majorité des trois quarts du Concile général suivi de ratification par les trois quarts des Conciles nationaux dans les cinq ans de l’adoption des amendements par le Concile général.

VI. ENTREE EN VIGUEUR

La présente Constitution entrera en vigueur à son adoption par une Assemblée constituante dument habilitée.

Traduit de la version anglaise du 19 septembre 1998 par Hubert Tournès

Editions Droits et libertés dans les Églises, 68 rue de Babylone, F-75007 Paris

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