Enfants pas de chœur

Au seuil de l’Église, des filles nous accueillent avec une feuille de chants. C’est « l’Équipe Sourire ». Elles ne portent pas l’aube blanche des baptisés mais la cape blanche du sexe féminin. Derrière elles, des garçons s’avancent vers l’autel. Le prêtre qui les y conduit les a vêtus de l’aube baptismale, la même que la sienne.

Il pense peut-être qu’il s’avance vers l’autel parce qu’il est un homme et qu’à ces garçons qui l’accompagnent dans le sanctuaire il faut donner un signe de ce privilège. Sans doute pas l’étole violette de son ministère mais pourquoi pas cette aube blanche dont il a oublié la signification ? Et comment s’en souviendrait-il en cette « année sacerdotale » qui valorise chez les seuls prêtres le sacerdoce du Christ auquel participent toutes les baptisées et tous les baptisés.

Les garçons entrent dans le chœur. Ils présentent au prêtre les livres liturgiques, illuminent l’Évangile, aspergent les mains du prêtre avant la consécration, apportent à l’autel les vases sacrés et sont en toute chose les « acolytes » du prêtre.

Les filles de l’« Équipe Sourire », elles, ne sont pas des « enfants de chœur » : elles prennent place dans l’assemblée. Pendant la liturgie, leur rôle est de transmettre la paix du Christ. Le prêtre prend bien garde de ne pas les faire partir de l’autel où sont les garçons. Il descend les marches à leur rencontre et leur donne la paix là où sont les autres fidèles. Elles remontent alors l’allée pour transmettre la paix, en un beau geste dont elles s’acquittent fort bien. Il y aurait eu plus de sens si la paix était partie de l’autel, donc des garçons, mais il fallait sans doute laisser quelque chose aux filles de l’« Équipe Sourire ».

Voici la consécration eucharistique et le dénouement de cette mise en scène des sexes. Jusqu’à présent les garçons et les filles jouaient un rôle différent dans des temps différents.
Mais maintenant les garçons ne sont plus au service de l’autel, ils ne sont plus les acolytes du prêtre, ce sont des baptisés sans ministère, comme moi. Ils viennent donc se placer de notre côté de l’autel. Les filles aussi quittent leurs places pour se placer dans l’alignement de l’autel. Les enfants, filles et garçons, s’agenouillent alors pour nous inciter à le faire.

Avant de m’agenouiller à mon tour je suis saisi par ce tableau de la « complémentarité des sexes ». Le prêtre tout en haut à l’autel, un homme. Quatre marches plus bas, les garçons. Tout en bas des deux volées de marche, les filles. Je crois bien qu’elles ne touchaient pas la première marche des gradins « sacrés ». Faut-il préciser qu’aucune femme ne distribua la communion ?

C’était la hiérarchie des sexes, dimanche dernier, une paroisse où coule le Loir, juste avant que Dieu abaisse les puissants de leur trône et élève les humbles.

Gonzague Jobbé-Duval

Auteurs·trices : Gonzague Jobbé-Duval

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