Union Européenne : pour un dialogue au-delà des autorités religieuses non représentatives

Les institutions de l’Union européenne dialoguent avec des dirigeants ecclésiastiques ou religieux qui revendiquent le monopole de l’autorité de leur institution, mais ne jouissent d’aucune légitimité représentative ou délégative. L’autorité n’entraîne pas la représentation. C’est ce qu’explique le Dominicain Bernard Quelquejeu, membre de FHEDLES, à la journée d’Etudes organisée par le G3i le 24 janvier 2012 au Conseil de l’Europe sur le thème  « Devenir citoyen-ne-s d’une Europe plurielle ».

Découvrez ici quelques brefs extraits de la toute fin de son intervention. Nous vous invitons à télécharger le texte intégral qui est beaucoup plus riche et mieux articulé.

Un dialogue prévu par le traité de l’Union Européenne

Le Traité de l’U.E (Titre II, article 17), stipule que « l’union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier » avec les Églises, les communautés religieuses et les organisations philosophiques et non confessionnelles. Sous quelles formes institutionnelles pourraient-elles prendre part, dans le plein respect du caractère laïque des institutions européennes, à l’élaboration des décisions relevant de la compétence des autorités politiques européennes, et ceci dans « tous les domaines d’action de l’Union » (art.11) ?

Nous croyons de plus en plus hors des institutions religieuses

Au sein de nos sociétés libérales et pluralistes contemporaines, bien plus qu’à une diminution ou une disparition du sentiment religieux, on assiste à l’efflorescence d’un croire, plus ou moins autonomisé, qui échappe de plus en plus à la logique ancienne d’une appartenance héritée, gérée et contrôlée par les Églises instituées.

Le croire moderne ne se donne plus guère comme l’appropriation d’un système dogmatique, mais comme une utilisation personnelle (qu’on oserait presque dire bricolée) sans obligation ni sanction, des significations, des symboles, des références proposées par les grandes traditions, religieuses ou non. les « sans-religion » sont de plus en plus nombreux à se réclamer de convictions spirituelles, issues, mais détachées, notamment du christianisme, du judaïsme, du bouddhisme aussi, tandis que les catholiques ou les protestants les plus intégrés développent des conceptions morales et même religieuses hétérodoxes, souvent bien loin des normes et des règles édictées par les autorités ecclésiales. Pour les pouvoirs et les institutions politiques européennes, il en résulte de vraies difficultés à (je cite) « entretenir un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les organisations représentatives » (art.11) et « avec les Églises et les associations religieuses, ou les organisations non-confessionnelles » (art.17). En tout cas, la consultation et le dialogue souhaités avec ces diverses Églises et associations ne peuvent plus être institués hors d’un contexte interconvictionnel : celui-ci est désormais un passage obligé, un défi à relever, de nouvelles formes institutionnelles à inventer et à mettre en place.

Des autorités religieuses non démocratiques et non représentatives

à l’occasion de beaucoup de débats surgis à propos de grands problèmes de société (égalité femme/homme, lois bioéthiques, législation concernant l’avortement ou les procréations médicalement assistées, euthanasie, légalisation des couples homosexuels ou de leur parentalité, etc.), les députés européens ou les services de la Commission n’ont pas manqué de constater l’écart, pour ne pas dire le fossé, qui sépare souvent, d’une part les positions tenues avec détermination, voire avec rigorisme, par des autorités religieuses (en particulier catholiques) et d’autre part, les convictions morales et éthiques d’une part importante, sans cesse croissante, des fidèles croyants sur ces questions. Cet écart est de plus en plus mal ressenti et supporté par ces fidèles, ou même les sympathisants (au sens large), qui en viennent à contester le caractère représentatif des autorités censées les « représenter » auprès des institutions européennes. Ils font remarquer que les chefs religieux ne doivent leur légitimité à aucune espèce de mandat électif ou délégatif, – les Églises et beaucoup d’organisations religieuses n’étant pas de structure démocratique. Les institutions de l’Union européenne, attachées à la légitimation démocratique de toute autorité politique, ne peuvent pas manquer de considérer attentivement la portée réelle et la signification du « dialogue ouvert, transparent et régulier » qu’elles entretiennent avec les dirigeants ecclésiastiques ou religieux qui revendiquent le monopole de l’autorité magistérielle, gouvernementale et morale de leur institution, mais ne jouissent d’aucune légitimité représentative ou délégative. L’autorité n’entraîne pas la représentation.

Aussi difficile qu’urgente, s’impose désormais l’instauration, au-delà d’un formalisme conventionnel peu signifiant, d’espaces de dialogue, d’organismes de concertation susceptibles de développer et de prendre en charge un vrai dialogue entre les convictions morales, sociales et politiques des citoyens européens qui se réclament d’une appartenance ecclésiale, religieuse ou associative. C’est avec vigueur que les citoyennes et les citoyens d’une Europe plurielle réclament aujourd’hui l’instauration de nouvelles pratiques de démocratie délibérative. »

Bernard Quelquejeu

télécharger le texte intégral

Bernard Quelquejeu est l’auteur de l’ouvrage  : Sur les chemins de la non violence. Études de philosophie morale et politique. Vous en trouverez une présentation ici en pièce jointe .

Auteurs·trices : Bernard Quelquejeu

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