Une Eglise sans pasteurs ?

Une bonne idée

Voilà une idée qui supprimerait bien des problèmes dont souffre aujourd’hui  l’Église catholique.

  • Fin de la crise des vocations
  • Fin des discussions sur l’ordination des  femmes ou des hommes mariés
  • Fin de la scission de l’Église en deux classes : prêtres/laïcs
  • Fin d’une Église hiérarchique
  • Fin du centralisme et de l’autoritarisme romain
  • Fin des conflits plus ou moins avoués entre laïcs/ques engagé-e-s et prêtres

Les risques d’une Église sans pasteurs

  • Explosion en de multiples groupes ou sectes
  • Prises de pouvoir sauvages
  • Anarchie
  • Perte du symbole de l’unité
  • Disparition des sacrements

Comment  bénéficier des avantages d’une Église sans pasteurs,  tout en évitant les inconvénients ?

Redéfinir « pasteur ». Pour les catholiques le mot  « pasteur » renvoie à « prêtre », avec la sacralisation qui s’attache au mot.  Il  faut peut-être utiliser le nom de « responsable » ou « coordinateur », indispensable à la vie de tout groupe humain. Celui-ci ou celle-ci serait  l’émanation d’un petit groupe de chrétiens et chrétiennes. Les membres de ce groupe pourraient choisir une ou plusieurs personnes pour  remplir cette fonction. Elles peuvent la tenir à tour de rôle sans qu’il y ait monopole. Dans les groupes plus nombreux, les règles qui gèrent les associations sont à utiliser ici. Droits et Libertés dans les Églises avait, voici des années déjà, suggéré un statut d’association pour l’Église. Des modèles seraient aussi à chercher du côté des communautés religieuses : il existe de nouvelles formes de vie consacrée apostolique [1]où la supérieure fait place à un  leader qui se met à côté et non au-dessus des membres de la communauté et exerce l’autorité avec une équipe de leadership.  C’est un leadership partagé, où chaque membre a un  rôle et des  responsabilités bien définis.

Il est bien évident que ce nouveau statut ôte au « pasteur » son côté surplombant, sacré et clérical. Les personnes ainsi  choisies et désignées le sont sans condition d’état de vie ou de sexe, pour un service à temps plein ou partiel, pour un temps délimité, éventuellement renouvelable, pour un service d’ordre général ou spécialisé.  Rien, du reste, n’empêcherait de les ordonner à leur mission.

Bref, il est temps de retrouver les intuitions de l’origine et la liberté d’initiative du début de l’Eglise.

Redéfinir « Église ». Un intervenant du colloque, André Myre, a utilisé systématiquement le mot « groupe » au lieu du mot « Église » qui est piégé, bien qu’étymologiquement il ne le soit pas.  Le groupe peut avoir une taille variable. Il peut commencer à partir de deux : « Quand deux ou trois…. ».

On revient là aux petits groupes domestiques du christianisme primitif. Des communautés religieuses parlent de « cellules vivantes » ou de « cercles de communion ».

Ces petits groupes peuvent se retrouver dans de plus grands rassemblements pour ne pas s’enfermer sur eux-mêmes  et pour signifier l’unité.

Reste la question des sacrements

Le cœur de la foi n’est pas d’abord dans l’assistance à un culte liturgique,  mais dans la manière de vivre au quotidien. C’est une invitation à vivre la même démarche que celle de Jésus, celle de la vie donnée et partagée. Le sacrement est ainsi déplacé du culte à la vie. Cela permet d’éviter l’écueil qui fait des sacrements des actes ponctuels, quasi magiques. Avant il n’y a rien, après il y a tout et le prêtre comme la personne mise à part pour gérer le sacré, seul habilité à délivrer les sacrements.  Prenons l’exemple du  baptême : celui-ci ne fait pas d’un enfant un fils ou une fille de Dieu, le baptême est la reconnaissance dans la foi que cet enfant est aimé de Dieu comme un fils ou une fille et que l’on veut célébrer cet amour inconditionnel.

N’ayons pas peur

Les papes,  Jean-Paul II dès le début de son pontificat, relayé aujourd’hui par Benoît XVI, nous invite à ne pas avoir peur. Mais comment accorder quelque crédit à une telle injonction ? Leur conduite de l’Eglise manifeste qu’ils ont peur. Peur du monde contemporain, relativiste, sécularisé ; peur des femmes,( combien de textes pour les exclure des ministères ?) qui est finalement une peur de la sexualité et du plaisir (combien de normes édictées pour canaliser la sexualité au risque de propager le SIDA ?) ; peur des théologiens dont la pensée est libre (combien d’exclusions  et d’interdiction d’enseigner ?) ; peur des évêques qui  ne chantent pas avec le chœur (Gaillot, Morris) ; peur du scandale (d’où le silence sur les actes coupables des prêtres pédophiles jusqu’à récemment) ; peur des responsables pastoraux laïcs (s’ils font trop bien leur travail, les prêtres se sentiront inutiles) ;  peur de perdre le pouvoir sacré d’où une sacralisation des actes du culte et un encouragement aux pratiques de piété populaire (pompe, reliques…) ;

Alors, si nous prenions quand même au sérieux cette injonction. Que ferions-nous si nous n’avions pas peur ?

Nous sommes à l’aise dans notre société contemporaine occidentale : elle offre aux êtres  humains des possibilités d’épanouissement inégalées jusqu’à présent (allongement et qualité de vie, respect de celle-ci, mobilité,  large  éventail de choix, démocratisation du savoir… ) Bien sûr, tout n’est pas parfait,  partout, mais elle a largement hérité des valeurs chrétiennes et les met en pratique dans des lois et des institutions. On peut se réjouir de ce que les valeurs chrétiennes soient reconnues comme valeurs humaines. On a du mal à comprendre que l’Eglise institutionnelle veuille distinguer les deux, comme si il y avait une différence entre elles.  Quelle est la manière spécifiquement chrétienne de donner un verre d’eau à ceux qui ont soif ou de vêtir ceux et celles qui en ont besoin ? La suspicion de l’Eglise envers Caritas est étonnante, comme si elle  était jalouse de voir les vertus évangéliques aussi bien appliquées dans la société que dans son sein.

Nous n’avons pas peur de la sécularisation. C’est bien au cœur du monde tel qu’il est  qu’il faut vivre l’évangile.  Nous sommes bien dans la laïcité. Elle ne nuit pas à notre foi. Nous avons pris nos responsabilités par rapport à notre sexualité et n’avons pas besoin qu’on nous dicte notre conduite en ce domaine. Notre conscience est guidée par l’amour évangélique de l’autre. Nous voulons aider théologiens et évêques à réfléchir et agir en leur préparant le terrain par de nouvelles pratiques sacramentelles, aptes à devenir de nouvelles coutumes.  Nous voulons aider les prêtres à sortir de leur pouvoir sacré en les aidant à endosser une identité plus large.

ALICE GOMBAULT

Juin 2011

Document de travail pour l’atelier Faire Église Autrement (FEA) à la suite du colloque du Réseau Culture et Foi du 7mai 2011


[1] Cf UISG (Union Internationale des supérieures générales),  Identité et signification de la vie religieuse apostolique n°145, 2011 , p. 48, article de Sr Suzanne Phillips.

Auteurs·trices : Alice Gombault

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