De FHE et DLE à FHEDLES

L’association Femmes et Hommes Égalité, Droits et Libertés dans les Églises et la Société (FHEDLES) est née le 6 février 2011. Elle succède aux deux associations sœurs Femmes et Hommes en Église (FHE) et Droits et Libertés dans les Églises (DLE), nées en 1969 et 1987.

1. Femmes et Hommes en Église

En 1969 naissait à Paris et à Bruxelles le groupe International « Femmes et Hommes dans l’Église » (FHE) Retracer les grandes étapes de son histoire c’est reprendre le fil continu des controverses sur les questions du statut féminin dans le catholicisme et les autres religions. C’est éclairer aussi le débat actuel entre laïcité et religions.

Le groupe, qui devint l’association FHE, est né dans l’effervescence du Concile Vatican II, sa préparation, ses déclarations hardies, les espérances et déceptions… Il s’est reconnu  dans le courant œcuménique de soutien aux avancées de la coopération femmes et hommes dans les autres Églises chrétiennes et  dans les autres religions. Il a été porté par le mouvement féministe d’élaboration des Droits Humains et a fait connaître dès le départ ses engagements : féministe  pour le partenariat entre les sexes, dans l’Église et dans la société. Yvonne Pellé-Douël, une des premières membres FHE, n’aimait pas entendre parler d’un « féminisme chrétien » ; elle affirmait qu’il n’y a qu’un seul féminisme, celui de la libération Humaine, et des raisons chrétiennes d’être féministes.

FHE s’est constitué en même temps à Bruxelles et à Paris.

Au secrétariat International bientôt établi à Bruxelles autour de Pierre de Locht et Suzanne van der Mersch du Centre de pastorale familiale (CEFA) on trouve des professeurs de Louvain, théologiens, philosophes, sociologues, tel Pierre Delooz, membre de l’équipe directrice de l’Institut Pro Mundi Vita, ainsi que des femmes en responsabilité dans des associations ecclésiales, telle Denise Peeters de la Commission internationale de l’Union Mondiale des Organisations Féminines Catholiques (UMOFC).

A Paris, Yvonne Pellé-Douël – auteure très remarquée en 1967 d’un ouvrage inspiré du personnalisme chrétien : Être femme – sera la première à encourager Marie-Thérèse van Lunen Chenu dans le projet d’un nouveau groupe que vont soutenir le Père M. Dominique Chenu, Marie-Odile Métral, Henri-Jacques Stiker, René Simon, moraliste, Sœur Françoise Vandermeersch, Sœur Sabine Villatte des Prugnes, Pauline Archambault, Odile Cadiot, Louis Soubise, les couples Chartier, Delarge, Grünenwald, Pagès, Tunc, etc.

Dans la région Rhône-Alpes, les contacts se nouent avec Michèle Bauduin, René Shaller, Marie-Jeanne Bérère, Renée Dufour, Donna Singles et le groupe Effort Diaconal, à Lyon.

Dés le début, FHE affirme son originalité :

Il catalyse et précise les critiques qui commencent à dénoncer la misogynie de l’institution et son invalidité mono-sexuée. Mais alors que la plupart des critiques s’insèrent encore dans un projet réformiste, FHE se manifeste devant les théologiens rassemblés à Bruxelles pour le colloque International de Concilium de 1971, en affirmant une toute autre teneur critique: il ne s’agit plus de demander une place pour les femmes dans l’Église mais de dire Quelle Église voulons-nous ?

Lors de sa première conférence de presse à Rome, pendant le synode des Evêques, le 12-10-71, FHE s’explique : les chrétiens ressentent comme une exigence fondamentale de la Foi l’égale dignité et donc l’égale responsabilité de l’homme et de la femme. Le groupe demande : l’accession des femmes célibataires ou mariées à tous les services et ministères : administration, réflexion et enseignement théologique, catéchèse, ministère sacerdotal.

– FHE est à peu près seul à se donner une structure de vraie mixité pour faire porter conjointement par des hommes et des femmes, ensemble, le souci de la discrimination sexuelle dans la société civile, les Églises et les religions. Il souligne qu’« en refusant les femmes et la sexualité, l’affrontement du réel et ses richesses, l’Église refuse sa propre humanité ». FHE vise les progrès d’un vrai partenariat entre les sexes sans se contenter d’aménagements rassurants qui restent androcentrés : Le partenariat entre hommes et femmes exige la parité.

– FHE ose la conscientisation par l’information et l’humour en cherchant le relais de médias non spécialisés, alors que les critiques se formulent encore timidement et en vase ecclésiastiquement clos. Or l’intérêt médiatique de l’après-Concile peut se frayer par l’humour un chemin encore inexploré, d’autant que le sexisme s’expose encore naïvement et sans méfiance en des formules moins « enrobées » que ce que l’on verra par la suite… FHE fut premier à oser les relever et les publier. Ses lettres et communiqués sont prisés et cités dans la presse quotidienne et dans les revues spécialisées.

2. Droits et Libertés dans les Eglises

DLE est née, non d’une réaction à un acte autoritaire de la hiérarchie ou d’une rupture avec elle mais d’un projet pour l’Église. Notre activité ne dissocie pas la critique et la proposition.

En 1975, un petit groupe de Dominicains français publie un Manifeste de la liberté chrétienne. En 1983, ils diffusent en France une Charte des droits des catholiques dans l’Église soumise par l’Association for the rights of Catholics in the Church, ARCC (USA), au débat international et rassemblent les réactions françaises. C’est en1987, des contacts nés de ces travaux que, avec le soutien de La Lettre, revue mensuelle de l’éditeur Temps présent, se forme à Paris pour organiser un forum sur les droits et libertés dans les Églises un collectif, réseau où convergent des femmes et des hommes actifs dans diverses associations. Ce collectif -une cinquantaine de personnes parmi lesquelles des religieux, dominicains et jésuites a poursuivi sa route avec un statut d’association de fait.

En1992, les exigences de durée, de visibilité et de relation conduisent à créer  l’association déclarée (loi 1901) Droits et libertés dans les Églises.

Article 2 des statuts : «Le but de l’Association est de coordonner l’action de ses membres pour contribuer à créer en France et dans le monde un dynamisme favorable :

  • au développement, au sein des Églises chrétiennes, des procédures démocratiques, c’est à dire permettant la libre expression des individus et des groupes, et la participation du plus grand nombre aux tâches et aux décisions,
  • à la défense des droits et libertés des chrétiens et chrétiennes dans les Églises»

Ce texte met en relief l’attention portée aux institutions et au droit, auxquels le Concile n’avait rien changé et auxquels les catholiques français ne prêtent pas assez d’attention . Avec le théologien Christian Duquoc, nous sommes convaincus que « l’Église peut fort bien démocratiser son modèle de gouvernement sans porter atteinte à sa soumission à la Parole. Le débat ne porte pas sur la maîtrise de la Parole mais sur la gestion pratique de la convivialité chrétienne »

L’histoire de DLE s’inscrit dans celle de l’affirmation par des chrétiens que les droits et libertés sont inaliénables où que ce soit et que la démocratie et l’État de droit en sont l’indispensable garantie.

Ces droits et libertés établis dans nos sociétés ne doivent pas s’arrêter aux portes de nos Églises où le message libérateur de Jésus ne saurait être lettre morte. Nous voulons travailler à y promouvoir une culture du droit et de la démocratie et une opinion publique. Nous l’avons fait et nous le faisons d’abord en organisant des colloques et séminaires, de plus en plus souvent en collaboration avec d’autres associations.

Une des premières actions fut très naturellement l’élaboration et la publication en 1992 d’une Déclaration des droits et libertés dans les Églises, un texte fondateur aux côtés du Manifeste de la liberté chrétienne, et qui est devenu en 1994 une Déclaration européenne des droits et libertés dans l’Église catholique, adoptée après 2 ans de débat par le Réseau européen Églises et Libertés RE/EN [à l’époque Église de liberté]. Y sont énoncés les droits humains proclamés universellement et les garanties institutionnelles, mais aussi les droits spécifiques des baptisés et des communautés.

Puis DLE a été ensuite motrice dans l’élaboration dans le cadre d’une coopération du RE/EN avec l’ARCC, auteur de l’initiative, d’une proposition de Constitution synodale et démocratique pour l’Église catholique en 1999. Selon sa manière de se gouverner, l’Église témoigne ou non de l’Évangile. Nous n’ignorons pas l’indifférence des catholiques français, même d’orientation réformiste, aux réalités et enjeux institutionnels mais nous ne pouvons considérer comme secondaire la réforme constitutionnelle dont a besoin une Église ‘à deux classes’. La constitution hiérarchique inscrite dans le code de droit canonique de 1983 n’est pas celle du peuple de Dieu.

De l’isolement au réseau

DLE a pris une part active à l’organisation des grands – plusieurs milliers de personnes – rassemblements nationaux des années 1990 pour le dialogue et les réformes dans l’Église catholique. DLE, en la personne de son principal fondateur, Jacques Chatagner, a été particulièrement motrice parmi les 13 associations qui, animées d’une commune volonté de passer du temps de la dispersion et du refus de structures communes à celui du réseau et du rassemblement des forces, fondent en 1999 la Fédération des réseaux du parvis. Un tournant dans l’histoire du courant conciliaire français.

Dès l’origine, DLE recherche des liens au-delà des frontières nationales avec des associations poursuivant les mêmes buts: Christenrechte in der Kirche, Allemagne, le Mouvement du 8 mai, (Commission des droits humains), Pays-Bas, l’Association for the rights of Catholics in the Church (ARCC), Etats-Unis. C’est d’une rencontre à l’initiative de DLE lors d’une ‘Manifestatieannuelle du Mouvement du 8 mai que naquit en 1990 la Conférence européenne des droits et libertés dans l’Église9 (CEDLE), devenue par fusion avec Kirche im Aufbruch, un réseau européen de langue allemande. Partie prenante dans le lancement en France de la Requête du peuple chrétien en 1996 et c’est tout naturellement que DLE s’est investie peu à peu au sein du Mouvement international Nous sommes Église (‘IMWAC).

L’héritage et les débuts

On ne le sait pas assez, les associations féminines chrétiennes n’ont pas réservé leurs efforts aux seuls domaines de l’obtention et exercice des droits au sein des Églises. Ne citons pour exemple que ces pionnières de l’Alliance Internationale Jeanne d’Arc, bien décidées, en 1911 en Angleterre, à fonder leur association pour participer à toutes les grandes campagnes d’émancipation civique ; mais sans pouvoir convaincre leur évêque qu’elles venaient mettre au courant de leur projet : «  Rentrez chez vous,  Mesdames, récitez votre chapelet et réfléchissez… ».

Dès le début, la critique des institutions masculines s’est accompagnée d’un engagement pour le progrès social ; il y eut la lutte contre l’alcoolisme, contre la double morale et le machisme en même temps que pour l’obtention de tous les droits civiques. Aujourd’hui encore, de nombreuses associations chrétiennes sont connues pour le travail remarquable qui leur vaut des statuts de premier ordre au sein des instances spécialisées internationales ; FHE a toujours tenté  de les soutenir et les faire connaître, a participé activement aux programmes des Décennies des Nations-Unies pour les femmes et publié de nombreux articles d’information sur le sujet.

En même temps, dès l’origine, FHE a revendiqué son identité catholique tout en refusant de se placer dans les structures associatives prévues officiellement pour les femmes et les laïcs.

Se plaçant plus radicalement dans une visée d’avenir, FHE reprend et fait connaître un héritage féministe dont la hiérarchie romaine n’a cessé d’ignorer ou dénaturer les propos. Sait-on qu’au Congrès Mondial pour l’apostolat des Laïc, en 1967, l’Union Mondiale des Organisations Féminines Catholiques (UMOFC), qui regroupait 50 millions de femmes au Monde, formula le vœu de voir accorder à la femme tous les droits et toutes les responsabilités du Chrétien au sein de l’Église catholique ? Sait-on que dans leur initiative d’un Memorandum sur la réforme du droit canon, en 1969, ces femmes catholiques demandaient  que les droits fondamentaux de la personne humaine…soient insérés et appliqués dans la législation de l’Église ?

Étapes, alliances, contacts avec d’autres groupements nationaux et internationaux

FHE a dû très vite reconnaître l’évidence : aux yeux de beaucoup son positionnement reste paradoxal : l’association qui resta modeste en nombre fut souvent crainte et marginalisée par le féminisme laïc à cause de ses références chrétiennes « comment oses-tu te dire à la fois féministe et catholique ? alors que l’institution officielle et certains mouvements d’Église n’y voient qu’un groupe de pression sans le fondement des exigences de la foi.

Si FHE a souvent collaboré avec des mouvements d’action catholique, paroisses, instituts divers, ce fut à titre ponctuel : aucun de ses colloques internationaux ou nationaux n’a été conduit sans y associer d’autres groupes ou instituts. Mais c’est à titre privé que ses membres sont largement invités comme conférencier-e-s et personnes ressources.

Au plan européen, FHE s’est engagé dans le Mouvement du 8 mai, dès sa création en 1985 aux Pays-Bas, puis dans la Conférence européenne des droits et libertés dans l’Église (CEDLE) et enfin dans le Réseau européen Églises et Libertés : participation régulière aux rencontres annuelles, gestion du questionnaire sur le partenariat homme-femme en 2005, préparation d’ateliers de travail sur Les apports et les enjeux de la théologie et spiritualité féministes, pour l’assemblée générale de 2009.

Au plan international, FHE a tissé des liens de coopération avec des mouvements féministes aux USA : Women’s Ordination Conference (WOC), Women’s Alliance for Theology, Ethic and Ritual (WATER) et au Canada (L’Autre Parole, Femmes et Ministères, l’Association des Religieuses pour la promotion des femmes, le Centre Justice et Paix à Montréal, Centre femmes et traditions chrétiennes à l’ Université St Paul à Ottawa).

FHE n’a adhéré aux différents mouvements pour demander l’accès des femmes au ministère ordonné que lorsque ceux-ci se sont inscrits dans un projet de nécessaire renouvellement ecclésial et ministériel. Depuis 2000, FHE est membre actif de Women’s Ordination Worldwide (WOW) et participe à ses travaux et colloques internationaux : première conférence internationale à Dublin en 2001, au titre significatif de « Maintenant, il est temps ; célébration d’un appel pour les femmes à un ministère renouvelé dans l’Église catholique » ; deuxième Conférence mondiale à Ottawa en 2005.

Au plan œcuménique, soutien à la création du Forum Œcuménique de femmes chrétiennes d’Europe et de son groupe français (FOFCE) ainsi qu’à celle de l’Association européenne de femmes pour la recherche théologique (AFERT). FHE collabore régulièrement avec le Groupe Orsay de femmes protestantes.

Au plan  français, outre la participation aux groupes déjà cités, FHE est avec Droits et Liberté dans les Églises (DLE),et Nous sommes aussi l’Église (NSAE) membre fondateur, en 1999, de la Fédération « Réseaux du Parvis. FHEDLES participe activement aux rencontres nationales annuelles de Parvis. Plusieurs membres de FHEDLES y sont engagés de façon permanente ainsi qu’à l’Observatoire chrétien de la laïcité (OCL). Plusieurs membres ont aussi rejoint le Comité de la Jupe

En fondant la fédération et la revue des réseaux des Parvis, FHE a renoncé à publier son propre bulletin. Perdant un peu son caractère spécifique, FHE puis FHEDLES a fait ainsi le pari de diffuser plus largement ses idées par le canal régulier des bulletins trimestriels de la fédération. La publication de documents et opuscules particuliers a continué.

Edition et diffusion

La série des 76 bulletins trimestriels publiés par FHE de 1971 à 1998, tous téléchargeables dans Nos Publications, ainsi que l’édition de nombreux opuscules et documents tirés à part, constitue une mine d’études critiques et d’informations internationales encore éparses et trop peu connues. Cela ne se résume pas à des informations et commentaires recouvrant la thématique de la participation ou de l’exclusion des femmes dans l’Église catholique mais aborde très largement l’étude interdisciplinaire des racines du sexisme, de son maintien et de ses nouvelles formes dans l’ensemble du champ laïque ou propre à d’autres religions.

La liste thématique d’une vingtaine de colloques internationaux organisés par FHE – dont le dernier à Paris en 2006 sur Femmes prêtres, Enjeux pour la société et pour les Églises– ainsi que les Actes publiés à ces occasions, permettent de repérer l’option critique, souvent nouvelle, du traitement des sujets choisis, autant que la part d’observation des mouvements en cours qui lui sont liés.

Enfin, la liste des Conférences données depuis 2001 dans le cadre de l’institut Genre en Christianisme manifeste la même volonté d’énoncés nouveaux pour un développement critique interdisciplinaire dans un champ élargi d’interconnexions multiples entre ce qui se joue ou s’énonce habituellement comme spécifiquement religieux ou bien ce qui se réclame un peu vite d’être spécifiquement laïc.

Evolutions de FHE de 1970 à 2010

Au cours de ces quarante années, un ensemble d’évolutions sociétales et ecclésiales qui dépassent la situation catholique, ont conduit FHE à s’investir dans le champ élargi des interconnexions entre religions et société civile et à fonder le nouvel institut Genre en Christianisme qu’il associe désormais à son nom : FHE/GC.

Avancées de la mixité, progrès du concept de parité

On connaît leur émergence internationale dans les sociétés civiles, illustrée, entre autres, par le soutien des Conventions des Nations Unies, et, en France par les lois et dispositions sur la parité .Elles trouvent leur pendant dans le champ des religions où des pratiques, parfois officieuses, se mettent en place sur le terrain. Pour sa part, l’institution catholique romaine, convaincue ou contrainte, doit faire face désormais à trois défis : celui d’accepter des formes nouvelles de coopération pastorale entre hommes et femmes ; celui de se voir devancer, au nom même du message chrétien, par des confessions plus progressistes qui ont su accepter des femmes prêtres et évêques ; et au fait que ces évolutions s’accompagnent d’un accroissement très médiatisé de la critique de son propre sexisme.

Si FHE se trouve désormais moins pionnier et moins isolé dans ses critiques et dans sa promotion du partenariat (il a été rejoint très opportunément sur le plan français par le Comité de la Jupe), il reste original dans sa vigilance et radical dans ses convictions, continuant de mettre en garde contre tous les aménagements d’une mixité ou d’un partenariat d’opportunisme et d’aménagement de surface.

Pour FHE, le message du Christ est obscurci et rendu non crédible par le sexisme de l’Église dans l’ensemble de ses conceptions et structures. Et de faire partager son message d’espérance en mettant en avant le pouvoir de conversion adressé à toutes les religions qui sauraient rompre radicalement avec un sexisme désormais ontologiquement caduque.

Découragement et désintérêt vis-à-vis de l’institution romaine ; déplacements du religieux

La critique des positions cléricales envers les femmes – originale dans les objectifs de FHE pendant environ les deux premières décennies – doit faire face désormais aux déceptions vis-à-vis de l’espérance conciliaire. Le choix, en 1993 de modifier le titre Femmes et Hommes dans l’Église pour Femmes et Hommes en Église illustre une évolution qui n’a fait que s’accentuer au fur et à mesure que l’on découvrait le caractère non évangélique des résistances institutionnelles, la caducité de celles-ci – se dévoilant entre autres dans la série des différents documents officiels contre l’accès des femmes aux ministères ordonnés. On ne s’étonnera pas alors que l’appartenance et les références à l’Église institutionnelle semblent de plus en plus contestables à une majorité des membres FHE qui marquent leur distance critique en se référant à leur appartenance chrétienne plutôt que catholique..

Mais les débats internes sont loin d’être clos entre celles et ceux qui s’impliquent encore dans une vie pastorale (paroisses, instituts, rencontres et tentatives de dialogues avec des instances cléricales) et d’autres membres qui soulignent l’inanité de ces efforts, estimant même que trop d’attention apportée à la hiérarchie romaine lui accorde trop d’intérêt et ne reflète plus ni la position critique du groupe ni même ses références chrétiennes. FHE n’abandonne pas son objectif premier mais la coopération femmes et hommes dans l’Église ne lui parait plus être un but prochainement accessible par les voies institutionnelles.

Ainsi, FHE a-t-il progressivement choisi de ne réagir qu’à ce qui cause scandale et mobilise l’opinion, sa parole publique de contestation pouvant alors servir le témoignage d’autres voix d’Église ; il a justement rejoint en cela d’autres groupes européens et internationaux engagés pour un changement profond dans l’Église catholique mais qu’on hésite encore en France à nommer réformistes.

Quant aux études et analyses qui firent sa notoriété, on notera qu’elles s’intéressent désormais beaucoup moins aux arguments avancés par Rome pour justifier son sexisme — l’exégèse féministe est déjà passée par là — qu’au caractère de sacralisation et reproduction du pouvoir dans les rapports de genre.

Intensification du rapport religions/société civile

Un paradoxe s’accuse entre, d’une part, le désintérêt actuel pour la pratique religieuse et les positions officielles de Rome, et, d’autre part, l’intérêt médiatique et l’émoi du grand public suscité par les déclarations et dispositions particulières sur les femmes, comme les renouvellements de l’interdit du sacerdoce ou les initiatives d’ordinations «  sauvages  » de femmes prêtres.

FHE souligne les collusions entre Église catholique romaine et la société civile en matière d’arrangement des sexes. Elle est conduite, d’autant qu’elle ne cache jamais sa référence chrétienne, à s’investir plus visiblement dans l’engagement civique. L’association délègue et soutient ses membres féminines dans des regroupements féminins et féministes, notamment à la Coordination Française du Lobby Européen des Femmes (CLEF) et tout particulièrement dans sa Commission de Lutte contre les extrémismes religieux On observe qu’un intérêt se fait jour – notamment chez des jeunes – pour l’histoire d’un éveil féministe ancré en christianisme.

Enfin, plusieurs membres de FHE se sont engagés en 2005, dans le Groupe de travail Interculturel, International et Interconvictionnel – G3I – qui répondait à un projet du Réseau Européen Église et Liberté « pour une recherche spirituelle libérée des tutelles religieuses ». Ce groupe a organisé à Strasbourg en 2007, dans le cadre du Conseil de l’Europe, le colloque : Cohésion sociale dans une Europe multiculturelle, rôle et impact des courants de pensée et des religions. On assure son suivi.

Au sein de différentes associations et manifestations pour les études féministes, FHE/GC cherche à promouvoir des recherches interdisciplinaires plus amples et approfondies sur la sacralisation du pouvoir, la naturalisation des rapports de sexe et la conception des cléricalismes masculins. On voudrait voir approfondies des études aujourd’hui nécessaires sur la nature et les modes d’influence du religieux, du symbolique, du sacral, dans une société en principe laïque, puisque leur point nodal en est la perpétuation des stéréotypes sexués, et la résistance aux changements dans les rapports de genre.

Fondation par FHE de l’Unité de Recherches et Documentation Genre en Christianisme (GC), créée en 2003 et installée à la bibliothèque du Saulchoir à Paris qui l’élargit. Si l’objet des études de genre est d’appréhender le genre comme la construction sociale des rapports de sexe dominés par le pouvoir masculin, FHE/GC s’engage dans  l’étude et la transformation de la construction religieuse du genre et de ses modes d’influence dans la société civile.

GC s’appuie sur un collège scientifique de personnalités dont les compétences couvrent un large domaine scientifique ; et GC bénéficie du soutien d’un Conseil International.

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